Littérature québécoise
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La douceur et la précarité de l’amour

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On dit que l’été est la saison des amours. Peut-être pour ses longues nuits qui ne se terminent jamais ou pour ce laisser-aller collectif. On en oublie même le temps. Les jours deviennent des secondes et nos yeux restent toujours ouverts devant le bonheur de chaque personne qui croise notre chemin. On s’éternise au parc, on renoue avec un vieil ami ou bien on accepte de prendre un verre ou deux avec un inconnu. Tout est léger, frivole et frais. On s’émerveille et on se laisse aller au gré de cette saison volatile jusqu’au moment où la réalité reprendra son cours de route. Ou pas.

Bien qu’il y ait le coup de foudre, il y a aussi ce type d’amour qui exige de nous une désinvolture totale. Car rien n’est plus dur que de s’affirmer, de se laisser aller et de décider de prendre le risque de voir son coeur se briser ou celui d’une personne qu’on aime déjà plus qu’elle ne le croit.

Mea culpa ; j’ai un petit faible pour l’été et les mots d’amour. Ces derniers, je les lis, je les savoure et ils me donnent la paix d’esprit face au tourbillon qu’est ma vie émotive depuis plusieurs années. Les mots me calment, m’inspirent et même si – oui, ils sont parfois quétaines – me donnent la force de croire qu’il est encore possible d’aimer sans se déchirer. Effrayée de manquer de lectures durant mes dix jours de vacances, je suis partie le sac à dos chargé de livres. Parmi ceux-ci, une tendresse s’est glissée et m’a accompagnée le temps d’un après-midi brumeux à la plage. Il s’agit du premier roman de Marie-Claude Chartier: L’allégorie des truites arc-en-ciel. Retour sur un récit d’amour, d’amitié et de déchirures.

L’amitié et ses métaphores

L’allégorie des truites arc-en-cielc’est l’histoire de Max et de Cam. Lui est un tombeur et un charmeur qui évolue au sein d’une jeune agence de publicité. Il est drôle, vient d’une famille aisée et entretient des liens tendus avec celle-ci. Cam est plutôt le genre de fille qui attire les regards, mais qui peine à s’engager. Elle travaille dans un café à temps partiel tout en terminant sa maîtrise en psychopédagogie (comme l’autrice, Marie-Claude Chartier), même si elle rêve secrètement de devenir écrivaine. Les deux protagonistes se rencontrent par le biais de l’ex de Cam (aussi le meilleur ami de Max). À la suite d’échanges secrets, ils en viennent à la conclusion qu’il est mieux de rester amis pour ne pas se briser le coeur mutuellement. Mais est-ce que l’amour se contrôle réellement? Et surtout, jusqu’où la peur peut-elle nous empêcher d’avancer?

On nous embarque dans un roman léger, à l’eau de rose et quelque peu cocasse. Ça nous rappelle bien évidemment le premier roman de Raphaële Germain, Soutien-gorge rose et veston noir.  D’une certaine façon, on pourrait dire qu’on tombe dans la chic lit, mais je préférerais dire qu’on reste dans la jeune romance hipster. Oui, ne me lancez pas des roches s’il-vous-plaît. Hipster. C’est-à-dire qu’on tombe vite dans le cliché de notre génération: fuis-moi, je te suis; je te suis, fuis-moi. Si bien que dès les premières lignes, on saisit très bien l’enjeu de la relation et surtout comment elle se finira. C’est un livre certes très prévisible, mais empreint de beaucoup de douceur, de lumière et d’espoir. 

1+1 = ?

Marie-Christine Chartier fait une belle entrée dans l’univers littéraire. Sa plume toute en finesse est agréable à lire. Si on reste tout de même dans l’énumération simple, certains passages ont pour effet de nous apaiser, comme un petit baume sur le coeur. Ce sont des réflexions sur nos rapports avec les autres, sur notre façon de voir l’amour à travers nos parents, nos amis et nous-mêmes. Max et Cam se partagent la narration à tour de rôle, ce qui permet d’avoir deux points de vue différents sur les événements de l’histoire. Par contre, on sent la neutralité de Chartier. Si bien qu’on a l’impression que les deux personnages ont la même voix, les mêmes peurs et les mêmes envies. À mon avis, la plume de Chartier manque un peu de précision à ce niveau. Car même si les deux personnages sont proches et ont une belle complicité, il est impossible qu’ils pensent de la même façon. Ce qui engendre un manque de subtilité et de profondeur dans les personnalités des personnages. Ils sont jeunes, inquiets de l’avenir et de la fragilité de leurs relations. C’est un portrait juste de notre génération et des maux qu’elle porte. J’aurais donc aimé voir des personnalités plus élaborées, qui ne finissent pas nécessairement les phrases de l’autre.

Ceci étant dit, chapeau d’avoir défendu une histoire de la sorte. On ne se le cachera pas, les histoires d’amour pleuvent et se ressemblent. Même si l’histoire suit le même canevas que la plupart des autres, il y a quelque chose qui la rend unique. Peut-être par la douceur des propos et la lenteur appliquée. C’est une belle lecture d’été qui se savoure en deux ou trois après-midi et qui nous donne le sourire aux lèvres. L’enjeu du livre est bien intéressant. Oui, on aborde souvent les gens qui ont de la difficulté à s’engager. Mais cette fois-ci, on met vraiment l’emphase sur le passé, sur ces relations qui font mal, et celles qui sont difficiles à accepter lorsqu’elles se terminent. Mais cette fois-ci, on met l’emphase sur celles qu’on impose parfois, lorsque nous décidons de mettre fin à une relation. Et c’est un vent de fraîcheur pour moi. On dit souvent que la personne qui laisse a moins mal. D’une certaine façon, c’est vrai. Mais en même temps, porter la douleur et briser la personne devant soi peut être tout aussi éprouvant et marquant. Et c’est vers ce point de vue que s’oriente d’abord la difficulté de s’engager des personnages. La peur d’imposer la tristesse à l’autre, de lui enlever l’espoir d’aimer et de se faire aimer. C’est un point de vue différent et très intéressant qui est abordé dans l’oeuvre.

L’amour au temps de la ville

De plus, mention spéciale à l’univers dans lequel évoluent nos deux personnages principaux. Bien aimé aussi voir les personnages vivre dans les quartiers de Québec. On sent que c’est une ville qui a beaucoup changé au courant des dernières années et c’est agréable de la découvrir par les yeux de deux jeunes protagonistes aux occupations différentes. La description est juste et sincère, que ce soit le bruit des tasses de café ou la mélodie virulente de Messenger, on arrive vite à se mettre dans la peau de ces jeunes qui ont cette envie sincère de s’aimer, mais qui sont trop maladroits pour se l’avouer.

L’allégorie des truites arc-en-ciel est une belle lecture d’été. C’est une oeuvre charmante qui aborde la complexité de l’amitié qui se transforme bien souvent en amour. C’est un portrait franc et honnête de notre génération qui nous pousse à croire que l’amour n’est pas perdu, qu’il est encore possible de s’abandonner à l’autre. De retour dans la grande ville, je célèbre mes derniers jours d’été et je pense à toutes ces fois où j’ai eu peur, où j’ai dit non pour ne pas être blessée. Les maux du cœur sont si intenses qu’on oublie parfois que l’amour est simple et tangible. Il est partout. Et même s’il n’est pas synonyme de stabilité, il amène parfois un vent de fraîcheur. C’est la première étape pour rebâtir sa propre confiance et accepter qu’au fond, l’amour, c’est comme la bicyclette. On n’oublie jamais comment aimer et comment être aimé.

Et vous, quelles romances littéraires ont bercé votre été?

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