Gabrielle Roy est l’une de mes autrices phares, une source à laquelle je m’abreuve et je reviens souvent. J’en ai parlé quelques fois déjà sur le blogue. Découvrant que le tout dernier roman d’Yvon Rivard traitait en partie de cette grande écrivaine, je me suis laissée vaguer vers cette oeuvre que, je l’avoue d’emblée, m’a émue aux larmes et m’a véritablement traversée.
Le dernier chalet, publié aux Éditions Lémeac, c’est l’histoire d’Alexandre, l’alter ego de l’auteur qui, accompagné de Marguerite, son amoureuse, nous raconte une saison dans son chalet, lieu de repos, d’écriture et de contemplation, où ils décident ensemble de se réfugier pour écrire. Dans la soixantaine, le narrateur se questionne sur l’essence d’une vie réussie, sur ses amours, sur le passage du temps, sur l’importance d’aimer, sur la puissance des mots, et ce, en rêvassant devant le fleuve comme l’a fait avant lui Gabrielle Roy.
Cet été qui chantait
C’est en apprivoisant la mort, le commencement de l’après, qu’il arrive à réfléchir sur son passé ainsi que le futur. Il revient sur ses amours, les femmes de sa vie, son rôle de grand-père aussi. Il fait le bilan de ces amours passés, mais néanmoins toujours là, quelque part dans l’espace-temps. Il lit Gabrielle Roy, Virginia Woolf, une biographie sur Champlain en espérant pouvoir écrire lui aussi, à son tour.
C’est surtout grâce à la beauté de la langue, par les images que l’auteur crée que j’ai été subjuguée par ce roman. N’ayant jamais lu Yvon Rivard, je ne savais rien de sa prose et je peux affirmer que maintenant, l’envie de lire son oeuvre est forte. D’autant plus qu’Alexandre, le narrateur, revient dans d’autres des ses romans aussi. J’admire la justesse et la profonde sensibilité des réflexions que porte ce roman.
« Jusqu’à maintenant, je n’ai réussi qu’à ne pas être complètement ce que je suis, qu’à vivre toujours un peu à côté de moi, à côté de cet être qui m’accompagne, me devance et m’attend sans doute pour ne plus être seul. Le problème n’est pas tant que j’aie voulu imiter telle ou telle vie qui aurait été trop grande pour moi – que faisons-nous d’autre depuis l’enfance, sinon imiter l’adulte que nous avons été ou cru être -, mais plutôt que je n’aie réussi à n’en imiter aucune, coincé dans le passage d’une vie à une autre, incapable de renoncer à l’une ou m’engager dans l’autre, paralysé par le désir même du changement, cloué pour ainsi dire au seuil du possible. »
L’oisiveté du geste d’écrire
Je suis particulièrement attirée par les oeuvres méditatives, introspectives, par des oeuvres qui savourent les petites choses du quotidien, les rituels qui habillent le passage du temps, de ces oeuvres qui font avec des riens, du plus-que-parfait. Des oeuvres qui arrivent à nommer et deviennent des témoins des plus grandioses banalités de l’existence : celle de faire, de réfléchir, d’aimer, d’agir, de désirer. Le dernier chalet, c’est tout ça. C’est une incursion dans la tête d’un homme ayant vécu, admiré, lu, aimé, fait le mal comme le bien, mais ayant été, tout simplement vivant.
Il écrit devant le fleuve, constamment en mouvement, au même rythme que ses pensées qui ne font jamais la sieste. Alexandre se questionne sur l’achat de ce chalet, lui qui a toute sa vie adoré ces lieux pour écrire, et sur la signification de celui-ci, devant le fleuve, qui sera le dernier.
Il n’y a aucune histoire ou intrigue dans ce roman (qui pourrait tout aussi bien porter un autre nom tel que récit, réflexion ou essai) et c’est toute là sa force. En se questionnant sur la vie, sur la fin, sur la mort, sur le passage du temps, sur ces gens qu’on a aimés, mais que nous ne retrouverons plus, noyés dans le passage du temps, il y a l’idée que la vie, c’est de vivre, de célébrer dans toute sa simplicité ce privilège d’exister.
Que ce soit en admirant un oiseau qui vole, un arbre ayant passé les décennies ou en relisant des oeuvres qui rendent plus vivants, Yvon Rivard donne envie, avec ce livre, de ne pas craindre la fin, ni la mort. Il donne envie de se poser doucement devant le fleuve, de respirer profondément en relisant encore et encore des mots qui, comme les siens, donnent tout son sens aux mots «vivre» et «aimer». Des mots qui donnent envie de lire, d’écrire, de vivre et d’aimer.
Et vous, avez-vous déjà lu une oeuvre qui vous a donné l’envie de chérir la vie encore plus profondément?
J’aime tous les carnets de Robert Lalonde, L’Orpheline sans visage d’Yvon Paré.Gilles Archambault
VOus devriez être éditrice. Très peu d’éditeurs acceptent de publier des livres qui n’ont pas d’histoire, pas de conflits. À moins d’avoir un nom.
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