J’ai un amour inconditionnel pour tout ce qui touche de près ou de loin au théâtre. Rien ne bat le plaisir d’aller voir une nouvelle pièce et d’en absorber les moindres détails, de se laisser submerger par les personnages, les dialogues et la mise en scène. Lire une pièce de théâtre, bien que très différent, est tout autant gratifiant. On en apprend beaucoup sur les personnages en découvrant tout ce qui ne se voit pas lors du spectacle : les didascalies, les titres des scènes, les précisions de l’auteur. Tout cela change l’expérience du tout au tout. Salvador : La montagne, l’enfant et la mangue de Suzanne Lebeau ne fait pas exception.
« Au cœur de l’Amérique du Sud, une montagne, aussi belle dans la clarté du matin que cruelle dans l’obscurité des mines qui la sillonnent de toute part. Salvador, un enfant de la montagne devenu écrivain, se rappelle… le départ sans retour de son père et de son frère, les crayons de couleur d’Ana et les rêveries de Teresa, ses sœurs, les cireurs de chaussures dont il aurait dû partager le destin, si sa mère n’avait pas cru aussi fort que tout manguier peut produire des mangues. »
Une réalité différente
Salvador est un jeune enfant né dans les montagnes d’une famille très pauvre qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour survivre. La vie dans leur petit village est bien différente de ce que nous connaissons: les familles sont nombreuses, le travail incessant et tout le monde doit mettre la main à la pâte. Il leur faut partir de rien et réussir à tout faire. Pour eux, le simple fait de mettre des œufs dans une soupe est un véritable festin. Dans leur univers, les enfants ne le sont pas bien longtemps et doivent eux aussi aider leur famille à survivre. Leur condition s’aggrave davantage quand le père disparaît sans laisser de trace. La famille est alors forcée de se débrouiller avec si peu de ressources que c’en devient de la survie quotidienne.
« Mon père a disparu comme un fantôme dans une nuit noire sans lune et sans étoile. Aujourd’hui encore j’ai le regret de ne pas avoir mis mes bras autour de son cou pour lui souhaiter une belle soirée. La vie d’un homme a si peu d’importance dans la montagne. »
Le sauveur
Le prénom de notre héros ne lui a pas été donné par hasard. Salvador le sauveur. À sa naissance, il a frôlé la mort et sa mère, voulant célébrer le sauvé, lui donna le nom qui s’en rapprochait le plus. Par intuition ou par hasard, son nom s’est avéré être si juste que c’en était presque prophétique. À l’âge de 4 ans, il apprend à lire en cachette. Quand sa famille découvre son secret, il en devient la fierté et sa mère ne cesse d’espérer une vie meilleure pour son fils. Elle voudrait qu’il soit écrivain.
Tout au long de la pièce, Salvador nous fait voir plusieurs aspects de sa réalité. On a non seulement accès aux dialogues qu’il a avec les autres personnages, mais aussi à ses états d’âme et ses pensées profondes, qui sont des apartés faits au public sous forme de petits monologues. Ces apartés sont d’ailleurs ce que j’ai préféré de l’œuvre: vraiment m’immiscer dans l’esprit du personnage, me sentir là avec lui et proche de ses émotions. J’ai adoré découvrir un autre univers, très différent du mien, mais qui a tout de même réussi à toucher toutes mes cordes sensibles. J’ai été absorbée par leur réalité et j’en aurais pris encore et encore.
Suzanne Lebeau a réussi à raconter une très grande histoire en peu de mots, un petit contenant pour un grand contenu.
Et vous, quelle pièce de théâtre avez-vous adoré lire?