Comme beaucoup de lecteurs, je me suis récemment laissé tenter par le dernier livre d’Alexie Morin, publié chez Le Quartanier, Ouvrir son cœur. Du haut de ses 366 pages, ce livre, je l’ai dévoré, un réel festin et, selon moi, il manquait un 100 pages supplémentaires. J’en aurais pris davantage.
Les critiques sont unanimes autour de moi, ce livre est parfait. J’ai proposé à mon amie qui voulait le lire de le lui prêter. Elle m’a répondu qu’elle préférait l’acheter, car elle savait déjà qu’elle le relirait et s’y référerait souvent. Il va sans dire que mes attentes étaient assez hautes avant d’en commencer la lecture et elles ont rapidement été comblées.
Plus que des sujets tabous
Ouvrir son cœur, c’est l’histoire de l’autrice qui, dans un récit fragmenté, raconte divers souvenirs de sa vie, en allant de l’enfance à l’âge adulte, où la honte s’y loge. C’est une prise de parole de l’autrice face à des moments qui l’ont marquée, pas nécessairement de la bonne façon. La vie de la narratrice n’a pas été facile. Une vie imprégnée de silence, de solitude et d’isolement. Elle y aborde plusieurs sujets importants qui marquent une enfant, une adolescente et même une adulte, comme l’intimidation, le rejet, la différence, l’anxiété, la dépression, le TDAH et la solitude.
Il est rafraîchissant de lire une histoire où ces sujets sont abordés naturellement, sans les rendre tabous, sans en faire l’élément principal du livre. Le sujet du texte, c’est la fille et comment il est difficile de grandir, de vivre son quotidien, de faire confiance lorsqu’on ne se sent pas à sa place, peu importe l’endroit où l’on se trouve.
Quand j’étais petite, j’étais une grande braillarde. En tant qu’adulte, j’ai aussi la larme facile. Je pleure dans les mariages, devant les pubs d’assurances et de banques — c’est la musique, la progression d’accords de piano, ils déclenchent un réflexe pavlovien —, je pleure à la fin des spectacles, quand le public applaudit. Je pleure quand je suis contrariée, avant de me mettre en colère. (p. 271)
Une ville sans différence
Ouvrir son cœur, c’est l’histoire d’une fille qui devient femme et qui habite une petite ville lointaine où la différence détonne, où la majorité des gens travaillent à la grande usine de la ville, où les métiers d’art ne sont pas populaires et où détonner n’apporte rien de bon, peu importe l’âge. La narratrice navigue parmi les thématiques mentionnées plus haut, du primaire à l’université, où la différence est toujours marquée, toujours de trop dans le quotidien de la jeune femme.
Plus qu’un livre
J’ai lu dans une critique que la narratrice et sa façon de s’exprimer pousseraient le lecteur à éveiller l’intimidateur en soi. Pour moi, la jeune fille de cette histoire éveille une seconde jeune fille, celle qui aurait été présente, qui aurait accompagné, qui aurait partagé. Le lecteur plonge dans une histoire pas toujours facile à lire, une histoire où il est facile de s’y reconnaître. C’est sans doute l’une des plus belles qualités de ce texte, car comme il est mentionné dans l’un des paragraphes, l’autrice a souvent abandonné l’idée d’écrire ce livre.
Il est compréhensible que cette histoire ait été difficile à écrire, car elle rouvre de vieilles cicatrices. Toutefois, ce livre est thérapeutique pour tous ceux qui ont vécu un semblant de vie comme celui de la fille du récit. Une histoire où, enfin, bien que la solitude soit l’un des thèmes principaux, elle accompagne et détruit toute solitude chez le lecteur. Lire ce livre, c’est être accompagné, être compris. C’est une histoire facile à se réapproprier et concevoir le personnage à notre propre façon.
Avez-vous des livres qui vous accompagnent, qui vous permettent de vous sentir moins seul?