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Grossophobe, la société?

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Comme bien des résident.e.s de la Vieille Capitale, j’ai connu Mickaël Bergeron par ses chroniques dans le magazine Voir de Québec. J’avoue avoir été agréablement intriguée par ce journaliste autodidacte – rare spécimen ayant appris l’art de l’écriture par lui-même, loin des bancs universitaires – qui écrivait avec talent et justesse sur notre société. Ses textes étaient toujours empreints d’une grande sensibilité, tout en offrant une critique nuancée d’une déconcertante exactitude.

C’est donc avec grand intérêt que je me suis ruée sur son premier livre intitulé La vie en gros: regard sur la société et le poids, paru en mars dernier. Cet essai sur la grossophobie est une bouffée d’air frais dans le paysage littéraire québécois, où les plumes et les langues se délient de plus en plus pour condamner les violences dirigées vers les grosses personnes. Mickaël Bergeron nous y expose, en 98 courtes chroniques, des témoignages, des analyses critiques et des opinions militantes sur la place démesurée qu’occupe le poids dans la société.

Une violence banalisée 

La grande force de ce livre repose sur le dévoilement de la violence normalisée que les grosses personnes vivent au quotidien. Aussi condamnable que l’homophobie ou le racisme, la grossophobie demeure pourtant une forme de discrimination socialement acceptée et banalisée dans notre société. Sous le couvert de l’argument «santé», il est socialement acceptable de mépriser, d’insulter ou de juger une personne grosse. C’est pourquoi Mickaël Bergeron insiste sur l’importance de déconstruire le mythe affirmant que le poids est un indicateur de la santé d’une personne, alors que ces deux éléments ne sont pas forcément liés.

Armé d’une grande honnêteté, l’auteur n’hésite pas à exposer son quotidien et les épreuves qu’il a dû et qu’il doit encore surmonter en tant que personne grosse. Sans tabous, il aborde sa vie amoureuse et les défis qui accompagnent le partage de l’intimité avec une autre personne. Il nous parle aussi des difficultés liées à la chirurgie bariatrique et des embûches vécues avec certains membres du personnel de la santé qui culpabilisent tout individu dont le poids est hors norme. Par moment, l’étendue de cette violence quotidienne est difficile à digérer. On ne peut s’empêcher d’être consternés qu’un auteur avec autant d’humanité puisse être le sujet d’autant d’intolérance.

Se libérer de l’obsession corporelle

Pour Bergeron, contrer la grossophobie passe entre autres par une réappropriation de l’adjectif « gros/se », qui prend une connotation forcément péjorative lorsqu’il est utilisé pour qualifier un être humain. Or, théoriquement, le mot «gros.se» n’est qu’un attribut employé pour décrire de manière objective un état:

Dire que je suis gros n’est ni méchant ni gentil. C’est une simple observation. […]

L’idée n’est pas de faire comme si tout le monde était pareil, mais au contraire d’apprendre à embrasser les différences. Les gens auraient peut-être moins peur de l’inconnu si on apprenait à accepter la différence plutôt que de l’estimer dérangeante. Une tonne de complexes pourraient disparaître, comme ça, seulement en les déchargeant d’un poids inutile. 

Être gros.se ne devrait pas être négatif. Aucune différence ne devrait l’être. 

Comme le dit Gabrielle-Lisa Collard sur son fabuleux blogue Dix octobre, «en entretenant la peur du mot, on entretient la peur de la chose». Et comme le démontre Mickaël Bergeron dans son essai, cette phobie de la grosseur a envahi la sphère publique comme une épidémie, prenant ancrage dans la vie d’un très grand nombre de personnes, peu importe leur poids. À l’image de Lynda Dion avec son excellent roman Grosse, l’essai de Bergeron se dresse contre une obsession corporelle qui empoisonne chacun et chacune, peu importe la taille de son corps.

Heureusement, de nouveaux mouvements encourageant la diversité corporelle émergent, et apportent avec eux l’espoir d’un changement. Le livre s’intéresse notamment aux courants de pensée du body positive et du fat justice, et en dresse un bref portrait afin d’informer les novices du domaine. Il nous encourage par ailleurs à changer nos propres attitudes et habitudes, et à être davantage conscient.e.s de la grossophobie que nous portons en nous.

L’essai se termine sur un message fort simple, mais plein d’espoir: aimons-nous.  On gaspille tellement de temps et d’énergie à détester notre corps. La vie est simplement trop courte pour ne pas s’aimer. Sans mépris, sans condescendance, et avec le ton juste, ce premier essai de Mickaël Bergeron fera énormément de bien à ceux et celles qui ont toujours eu l’impression que leur corps n’était pas adéquat.

Et vous, avez-vous des suggestions d’essais portant sur l’image corporelle?

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