Cela vous est-il déjà arrivé de tomber sur une œuvre dont vous ne connaissez ni l’histoire ni l’auteur, mais pour laquelle vous éprouvez au fil de la lecture un coup de foudre absolu? Dès lors, plus rien n’existe, et votre nouvelle mission consiste à tout lire ce que cet écrivain a écrit. Moi, en secondaire 3, j’ai eu ce coup de foudre pour Bernard Werber, et ça a commencé avec L’empire des anges (2000).
Je lisais dans mes temps libres, mais c’était davantage pour tuer le temps que par passion. Je n’avais pas trouvé quoi que ce soit qui me fasse vibrer ou me garde dans l’attente constante d’être libre pour pouvoir y revenir. Vous devinez: jusqu’au jour où une amie m’a prêté ce fameux livre de Werber. Je l’ai dévoré, puis tout ce qui avait été publié par lui.
Récemment, j’ai été titillée par l’idée de revisiter cette œuvre qui m’avait donné la piqûre pour la littérature. Elle a changé à jamais ma vie en me mettant sur le chemin des lettres et des réflexions philosophiques sur le monde qui nous entoure: ses lois, ses mécanismes, ses secrets et ses mensonges. Revisiter ce pilier de ma vie duquel ne découlait que de bons souvenirs, c’était risqué. Une relecture corrompue par ma vision d’universitaire pouvait possiblement éradiquer sans pitié tout ce qu’il y avait de bon dans ce livre. J’ai pris le risque.
L’empire des anges
Je n’ai pas regretté! L’ouverture m’a renversée autant que la première fois. Première page: mort du personnage principal. N’est-ce pas génial? Il ne comprend rien de ce qu’il lui arrive, et nous non plus. Mais c’est accrocheur à souhait.
Quel imaginaire habite cet auteur! Dans ce livre, il imagine cette possibilité merveilleuse où, après la mort, une âme chemine au Purgatoire pour se faire juger. L’originalité suit. Deux possibilités s’offrent à l’âme, dépendamment du score accumulé pendant la vie humaine (les actions négatives retirent des points, les bonnes en donnent): si elle n’a pas atteint le niveau suffisant, elle retourne se réincarner sur Terre, mais si elle l’a atteint, elle devient… un ange! Et qu’est-ce que ça fait, un ange? Ça se fait donner trois destinées humaines sur lesquelles veiller, tel un ange gardien, en exauçant leurs souhaits, en leur envoyant des signes ou des rêves, et en leur parlant à travers des médiums, des voyants ou même des chats! On suit alors en alternance la vie de ces humains (un Français, un Russe et une Afro-américaine) à partir de leur fécondation, ainsi que les péripéties de leur ange gardien.
Cette œuvre a plusieurs qualités, mais je vous parlerai de ce qui m’accrochait il y a plus de dix ans et le fait encore autant aujourd’hui. Avec beaucoup d’habileté, Werber crée un univers merveilleux à partir d’une quantité étonnante d’éléments de notre imaginaire collectif, et ce en évitant de tomber dans la religion ou l’ésotérisme. Bien sûr, l’héritage français-chrétien-occidental-blanc est plutôt présent au fil des pages. Néanmoins, on dénote l’intérêt de l’auteur pour d’autres cosmogonies, ainsi que son effort pour construire un paradis imaginaire à partir de diverses croyances. L’effort est là et rend la lecture intensément intéressante et stimulante.
Donc, on suit notre humain devenu ange aller aider d’autres humains pour qu’ils puissent eux-mêmes accumuler suffisamment de points afin de devenir ange à leur tour. Car, si un ange fait parvenir un humain au rang supérieur (le destin d’un humain serait déterminé par 25% de karma, 25% d’hérédité et 50% de libre arbitre, donc un ange ne peut pas tout faire pour ses «clients»), il peut lui-même alors passer au niveau supérieur. Mais, que trouve-t-on au-dessus des anges? À suivre, dans Nous les dieux! (Titre divulgâcheur! Mais honnêtement, vous n’aurez pas le choix de continuer à vous gaver de cet imaginaire, si vous avez aimé!)
L’encyclopédie du savoir absolu et relatif
Je conclus rapidement sur ce bijou unique disséminé dans le Cycle des anges et le Cycle des dieux. Il s’agit d’extraits écrits par Edmond Wells, le personnage de Werber, qui agit comme voix de l’auteur pour transmettre sa sagesse aux mortels et pour ébranler leurs croyances ou leurs assomptions qui sont a priori acquises, mais vraisemblablement construites, donc relatives. Ces extraits ajoutent un autre niveau de lecture aux péripéties que rencontrent nos personnages. Par exemple, on apprend l’existence d’une civilisation, dans l’archipel de Vanuatu, où le concept de majorité et de minorité n’existe pas. Ils prennent donc leurs décisions à condition qu’il y ait unanimité. Aussi, Wells remarque que tous les cultes anciens mettaient la femme au cœur de leur genèse. Ce n’est qu’au Moyen Âge que cette tendance a été renversée. Et je vous laisse sur cet extrait:
«POINT DE VUE :
Blague : « C’est l’histoire d’un type qui va chez son médecin. Il porte un chapeau haut de forme. Il s’assied et ôte son chapeau. Le médecin aperçoit alors une grenouille posée sur un crâne chauve. Il s’approche et constate que la grenouille est comme soudée à la peau.
– Et vous avez ça depuis longtemps? s’étonne le praticien.
C’est alors la grenouille qui répond:
– Oh vous savez, docteur, au début, ce n’était qu’une petite verrue sous le pied. »
Cette blague illustre un concept. Parfois on se trompe dans l’analyse d’un événement parce qu’on est resté figé dans le seul point de vue qui nous semble évident.» (p. 205)
Avez-vous déjà tenté l’expérience de replonger dans une oeuvre chérie datant de vos premiers balbutiements littéraires?
Ahah, moi oui… Et ça n’a pas été une réussite… Bon pour être tout à fait honnête ce n’était pas mon oeuvre favorite, mais tout de même un ensemble de livres que j’avais beaucoup beaucoup aimés. Mais en les relisant avec mon expérience des discriminations, du sexismes et de la violence en général je me suis rendue compte que c’était extrèmement problématique à plein de niveaux et je n’ai pas retrouvé la magie des premières fois…
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Haa oui…. écrit en début 2000, j’ai soulevé quelques passages (peu tout de même) d’un auteur, qui à l’époque, je suis convaincue, devait se revendiquer « d’humaniste » plutôt que de féministe…. En effet, je pense à un dérangeant petit passage où il énumère pleins de personnages qui ont marqué l’Histoire culturellement, scientifiquement, etc… et je ne me souviens pas s’il y a une femme de nommée, ou simplement aucune! Je n’en revenais pas de remarquer ça.
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