Poésie et théâtre
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Une sorte de lumière qui éblouit

Le fil rouge; Le fil rouge lit; Bibliothérapie; Littérature; Lecture; Livres; Les livres qui font du bien; Une sorte de lumière spéciale; Maude Veilleux; Éditions de l'Écrou; Poésie; Colère; Trash; Changement; Anxiété

Directe, étonnante et passionnée, la prose de Maude Veilleux sort de l’ordinaire par sa singularité. Sa poésie happe, déchire, surprend, tout en étant hyper accessible. Pour ma part, c’est par son premier recueil – au titre peu conventionnel –, Les choses de l’amour à marde (2013), que j’ai découvert cette brillante écrivaine il y a quelques années. Récemment, plusieurs ami.e.s m’ont vanté en long et en large les mérites de son plus récent recueil paru en juin dernier aux éditions de l’Écrou et intitulé Une sorte de lumière spéciale. J’ai à nouveau été comblée par la plume non conformiste de l’autrice grâce à ce dernier recueil d’une puissance qui éblouit tellement qu’on en devient presque aveugle d’émerveillement.

Revendiquer le droit d’être trash 

Originaire de la Beauce, Maude Veilleux se réclame, dans son dernier ouvrage, d’une esthétique trash et critique le fait que beaucoup d’intervenants du milieu littéraire ont levé le nez sur son style d’écriture parce qu’ils l’ont trouvé trop glauque, trop sale. Or, l’écrivaine provient d’un milieu ouvrier plutôt pauvre, un milieu «de cowboys du Québec où on milite pour un deuxième Walmart», comme elle le dit elle-même.

Dans son dernier recueil, au lieu de les cacher ou de les dénigrer, Maude Veilleux assume ses origines beauceronnes. Elle les expose afin d’insister sur l’importance de sortir la poésie des cercles élitistes et littéraires métropolitains et de l’apporter chez les gens qui en ont vraiment besoin, comme «ces monsieurs cassés en deux par la vie» qu’elle connaît trop bien:

«Trash is politic. Pas juste une esthétique pour faire cool. Si on a l’air d’une gang de toxicos, c’est peut-être aussi parce qu’on vient de milieux pauvres. Qu’adolescent.es on a commencé à s’automédicamenter parce qu’il n’y en avait pas des psys dans nos écoles de région. Et, on est des poètes. Of course qu’on est des poètes. On n’a rien d’autre. Notre seul name tag. Rien d’autre pour se péter les bretelles avec.

Tu veux nous enlever notre légitimité. Tu fais comme on m’a toujours fait, tu fais ce que les bourgeois font, tu me dis d’arrêter de parler. De ta chaise, peut-être que d’essayer de changer des choses, ça sert à rien parce qu’anyway tu vas pouvoir continuer à boire tes negronis et passer tes étés au bord d’un lac, mais pour moi ç’a jamais été comme ça. Si je suis sortie de la Beauce, des bars, c’est pour être poète. 

Puis, à la Foire agricole de St-Honoré-de-Shenley, quand Alexandre Dostie gagne le premier prix du concours de talents, et que le lendemain les gars de la scierie débarquent au stand de l’Écrou pour acheter des livres, je sais que notre parole est importante et que notre poésie se rend là où elle doit se rendre.»  

C’est un beau gros doigt d’honneur que l’autrice lance ainsi au visage de la soi-disant «beauté littéraire» telle qu’elle est définie par les institutions académiques. C’est probablement ce qui rend son écriture si puissante et, paradoxalement, si empreinte de beauté. Il y a quelque chose de foncièrement beau dans cette revendication trash de la pluralité des proses et des genres littéraires.

Un recueil politique et revendicateur

Une sorte de lumière spéciale m’a semblé beaucoup plus revendicateur que Les choses de l’amour à marde, qui était certes aussi direct, mais moins politique, en ce sens qu’il parlait surtout d’une relation amoureuse. Le dernier recueil de Maude Veilleux jongle davantage avec la volonté politique de changer les choses, la colère outrée et la critique des institutions académiques bien-pensantes et traditionnelles. C’est personnellement la raison pour laquelle j’ai préféré la dernière création de l’autrice à sa première publication.

Une sorte de lumière spéciale a aussi le mérite de montrer que la colère n’est pas forcément négative. Bien canalisée, elle est un moteur très efficace pour dénoncer et pour demander du changement. C’est d’ailleurs ce qui rend l’écriture de Maude Veilleux si inspirante. On ne peut s’empêcher de partager sa volonté de changer le monde, tout en constatant avec cynisme la faiblesse de notre pouvoir réel.

Dans cette dernière parution, l’autrice aborde également son anxiété sociale et ses diverses stratégies d’évitement, comme sa tendance à la diluer dans l’alcool, dans lesquels plusieurs lecteurs.trices se retrouveront assurément:

«mon rapport au monde est weird

et je suis écoeurée de dissimuler

j’ai envie de tout dire

de dire l’anxiété qui fait ne pas répondre au téléphone

aux courriels, aux textos

de dire les soupers qu’on annule pour ne pas manger

de dire le vin qu’on binge pour être capable de jaser» 

Maude Veilleux nous sert donc une forme de révolte contre les structures qui régissent nos sociétés dans Une sorte de lumière spéciale. Une révolte plurielle qui s’attaque aux structures de classes sociales, aux cadres établis par les littéraires académiques et aux règles non dites qui régissent les relations sociales qu’on est contraints de respecter pour avoir de la valeur dans le regard de l’autre. C’est une grande dénonciation des structures sociétales qui nous empêchent d’être, et c’est justement ça qui fait du bien.

Et vous, quel.le.s sont les poètes dont la prose vous éblouit?

2 Comments

  1. Ping : Une sorte de lumière qui éblouit | Le fil rouge – Le Bien-Etre au bout des Doigts

  2. Je ne connais pas du tout cette autrice mais je sens un petit quelque chose à la Edouard Louis ( En finir avec Eddy Bellegueule ) au féminin dans l’écriture et les revendications sociétales… Je note merci !

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