Défis littéraires
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Critique commune de « Soleil » de David Bouchet

Capture d’écran 2015-11-23 à 13.05.59Pour tout vous dire, je n’avais pas très envie de lire Soleil en ce mois de novembre. Bonheur, que la vie nous réserve parfois des surprises, parce que ce fût un pur moment de délice de me plonger, main dans la main, dans l’existence du petit Soleil.

Si vous avez lu Toutes celles que j’étais d’Abla Farhoud, lecture passée du défi littéraire, vous remarquerez plusieurs ressemblances dont le fait qu’il s’agit d’un récit de d’exil, de l’immigration, vécu et narré par un enfant.

Dans Soleil, on fait la rencontre d’un charmant petit garçon amoureux de sa voisine Charlotte et profondément soucieux de rendre heureuse sa famille. Sa famille vient tout juste d’arriver à Montréal et on suit le parcours souvent difficile de s’approprier une ville, un pays et une culture. Le père de Soleil fait tout son possible pour s’adapter à sa nouvelle existence, il veux s’adapter à la culture québécoise et en faire partie. À ce sens, j’ai été profondément émue de la résilience et la tendresse que vivait la famille de Soleil pour se rendre à Montréal. Je convainc quiconque de lire ce bouquin et de sous-estimer toute l’expérience de l’immigration. Rien n’est plus courageux que de laisser ses repères pour s’en construire d’autres, plus solides, plus prometteurs. Or, le père n’y arrive pas, la mère quant à elle se doit de prendre la famille sur ses épaules et de tout gérer. Quel beau personnage féminin que cette mère, honnêtement, j’ai été charmée par toutes ses petites apparitions dans la vie de Soleil ; une femme forte, inspirante et vaillante.

La narration au JE de Soleil est judicieuse, réaliste et touchante. Les romans qui mettent en scènes des enfants comme narrateurs sont souvent au bord du précipice de me tomber sur les nerfs, oui oui. Quelques-uns en sont sorties gagnants, je pense à La vie devant soi et Extrêmement fort et incroyablement près. Or, Soleil en fait partie. Quel talent de David Bouchet d’avoir su mettre en mots les émotions ressentis par le garçon sans tomber dans le caricatural ou l’enfantin.

Tout au long du bouquin, le jeune Soleil tente de trouver sa place, au sein de sa famille un peu brisée, au sein de sa nouvelle vie montréalaise et surtout, il tente de comprendre les émotions de son père. Souvent touchée par la douceur et la naïveté de ses réflexions, il s’avère que j’ai trouvé Soleil lucide et sensible. Son amitié avec Charlotte, sa voisine qui n’a pas été épargnée par la vie, nous démontre toute la douceur et l’amour de Soleil envers elle.

Soleil est un livre à lire et relire en ces temps où la xénophobie fait rage. Apprendre à comprendre l’autre, à l’accepter, surtout, apprendre de l’autre, dans toute l’amour qu’on peut s’apporter.

Ce que Karina en a pensé :

Malgré ce titre accrocheur et qui nous faire croire que l’histoire que nous allons lire sera joyeuse, on découvre que c’est tout le contraire. David Bouchet, nouvel auteur dans l’univers de la littérature québécoise, nous raconte l’histoire de Souleye, un jeune migrant d’origine sénégalaise. Souleye raconte son histoire, il nous parle de son amitié avec la douce Charlotte, qui le rebaptise Soleil. Dans ce roman, on prend conscience de toutes les épreuves et sacrifices que ces familles immigrantes font et vivent une fois au Canada (Montréal). Ils doivent s’adapter à une nouvelle vie, une nouvelle culture, une nouvelle température. Ils doivent également vivre plusieurs déceptions. C’est ce qu’il arrive à Soleil. Il constate, par exemple, chez son amie Charlotte, une grande détresse. N’est-elle pas censée représenter «l’american dream» ? Le bonheur, la richesse ? Au lieu de cela, il découvre chez elle un passé trouble où sa mère est alcoolique, sur le «BS» et suicidaire. Malgré tout cela, Soleil a un grand cœur et accepte Charlotte comme elle est. C’est que lui aussi cache un lourd secret. Un secret honteux qu’il ne voudrait montrer à personne. Son père change. Il a plus de difficulté à s’adapter et à accepter les épreuves qu’il doit faire dans son nouveau pays d’accueil. Un jour, il décide de se réfugier dans son sous-sol et de creuser un trou. Vient alors que pour sauver son père, la famille de Soleil n’a d’autres choix que de l’envoyer dans un hôpital psychiatrique. Soleil deviendra le docteur numéro un de son père selon son infirmier. Il se donnera comme mission de sauver son père, de sauver sa famille. Soleil a un cœur tendre. C’est un garçon charmant dont on rêverait tous d’avoir comme ami. David Bouchet a réussi à nous charmer avec son personnage. Ayant lui-même vécu le parcours migratoire, il réussit très bien à transmettre toute cette joie, ces peurs et cette simplicité. C’est ce qui fait de Soleil un être adorable, c’est qu’il est simple. Je ne peux que vous conseiller cette lecture. L’écriture est douce, je me suis laissée emporter par cette histoire et nous restons intrigué-e-s par la présence de ce trou.

 

Ce que Gabrielle en a pensé :

Avec un titre pareil, on peut bien s’attendre à un récit plutôt lumineux, ou du moins teinté de positivité. Pourtant, le récit en est un de déracinement, de migration, pour être plus exacte, des histoires qui sont souvent empreintes de tristesse. D’emblée, une contradiction dans cet objet qu’est le livre de Bouchet.

Puis, en allant plus loin que ces simples quatrième et page de couverture, la lectrice entre dans l’univers de Souleymane, rebaptisé Soleil par son amie Charlotte, un petit garçon « allumé », qui nous fait voir la communauté montréalaise du haut de ses 12 ans.  De la bouche de Soleil, nous apprenons les difficultés d’arriver ailleurs, un ailleurs qui ne se fait pas toujours accueillant… Nous vivons aussi, avec lui, la maladie mentale de son père, effet de la migration trop pénible pour cet homme qui a dû tout laisser derrière.

C’est la posture d’écriture de l’auteur qui rend ce roman si attachant : le regard naïf de Soleil sur la découverte d’un nouvel univers permet à la lectrice d’avoir une autre vision de la société québécoise. Le roman m’a beaucoup fait penser à La vie devant soi de Romain Gary, dans ce choix de raconter des sujets lourds, pénibles avec la distance d’un enfant qui s’exprime sur le monde sans « filtre adulte », sans chercher à analyser tout de manière rationnelle. Au contraire, Soleil explique la vie de manière franche, sincère, innocente, mais donc authentique.

Au final, c’est bien quelque chose de positif que nous avons entre les mains. Cette contradiction ressentie au départ, à travers l’extérieur du livre, devrait se concevoir comme une provocation, un appel aux lectrices à revoir leur façon d’appréhender le monde, la migration, l’immigration, le racisme… Car Bouchet parle certes d’un exil difficile, mais qui n’est pas impossible. Comme il le souligne lui-même:

« Quand on vit l’exil, on est dans un processus de construction de mémoire. Qui dit déracinement ici, dit enracinement ailleurs. »

Il y a donc aussi cet enracinement du petit Soleil qui traverse le roman. La lectrice accompagne cet enfant ouvert sur le monde qui, s’il a tout à apprendre, peut nous apprendre ce qu’est l’ouverture aux autres. Puis après tout, la vérité sort de la bouche des enfants!

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Lectrice invétérée, Martine est bachelière en études littéraires et la cofondatrice du Fil rouge. Créative et inspirée, elle a l’ambition de faire du Fil rouge un lieu de rassemblement qui incite les lectrices à prendre du temps pour elles par le biais de la lecture. Féministe, elle s’intéresse aux paradoxes entourant les mythes de beauté et la place des femmes en littérature. Elle tentera, avec ses projets pour Le fil rouge, de décomplexer et de dédramatiser le fait d’être une jeune adulte dans une société où tout le monde se doit de paraitre et non d’être. Vivre sa vie simplement et entourée de bouquins, c’est un peu son but. L’authenticité et l’imperfection, voilà ce qui lui plait.

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