Jeanne Moreau a le sourire à l’envers est le deuxième roman de Simon Boulerice que je lis. Le premier était Javotte, qui avait été une des lectures de notre défi littéraire. Dans les deux cas, j’ai reconnu l’écriture de Boulerice et sa manière qui semble si naturelle de faire parler des jeunes adolescents. La narration, comme les dialogues, dans ces deux bouquins m’ont semblé extrêmement réalistes.
Dans Jeanne Moreau a le sourire à l’envers, on fait la rencontre de Léon, un jeune garçon bien ordinaire. Il a un frère, Antoine, et deux parents bien conventionnels. Son drame d’ado est qu’il fait beaucoup de pellicules et que cela le complexe. Il trouve sa vie un peu ennuyante. Heureusement, il y a Léonie avec qui il échange des lettres.
Léonie est belle, drôle et semble avoir une vie des plus extravagantes : sa mère était voleuse de banque en France et son père médecin humanitaire en Afrique, rien de moins. Dans ses missives, elle abuse des points d’exclamation! Léon s’attache beaucoup à ces lettres et devient de plus en plus attiré vers cette belle Léonie.
Parallèle à cela, il y a la famille de Léon, une famille harmonieuse, simple, belle et, disons-le, ordinaire. Ses deux parents sont amoureux depuis le secondaire, s’aiment toujours et son frère Antoine est discret et obsédé par le cinéma de la Nouvelle-Vague. On s’attache à cette famille bien ancrée dans le réel et on y reconnait des gens. Cette stabilité familiale a de quoi inspirer, mais je suis bien consciente que pour Léon, 15 ans, avoir une mère voleuse de banque est beaucoup plus intéressant.
La fameuse Léonie viendra donc rendre visite à Léon et sa famille pendant 3 jours. Elle y rencontrera le meilleur ami de Léon, la copie conforme de Taylor Lautner, le loup-garou de Twilight. Au fil de ce weekend, on y découvrira qu’il est tentant de se créer une identité autre simplement pour combattre la détresse du quotidien et que parfois, l’imagination peut être notre seul repère tranquille. C’est aussi à ce moment qu’on réalisera que le grand frère, Antoine, souffre d’anorexie. La famille entière de Léon sera donc confrontée à ce drame.
J’ai particulièrement aimé le fait que Simon Boulerice traite d’anorexie masculine, car ce n’est jamais abordé. Le roman le dit lui-même, l’anorexie c’est pour les filles. Cette décision de représenter l’anorexie chez un personnage masculin est excellente, on y brise les clichés et je suis certaine que de lire qu’un autre garçon souffre comme soi peut être très libérateur pour ceux qui souffrent de cette maladie, mais aussi pour tous les autres qui se doivent de comprendre que l’anorexie n’a pas de genre. Les sous-textes du roman sont profondément solides et ancrés dans des problématiques propres à la jeunesse ; identité, anorexie masculine et intimidation.
Ça faisait longtemps, depuis Coeur de slush de Sarah-Maude Beauschene, que je n’avais pas lu un roman jeunesse si bien écrit et vrai. C’est le genre de livre que j’aurais aimé plus jeune à 15 ans, mais que j’aime tout autant à 24 ans. J’espère que les enseignants au secondaire penseront à mettre Jeanne Moreau a le sourire à l’envers à leurs plans de cours, car non seulement le personnage principal est un garçon, ce qui me semble relativement rare, mais il est normal comme beaucoup de garçons de son âge, préoccupé par son apparence, ses amitiés, ses amours et par son identité. Et toute la force des romans jeunesse est là : offrir un support, un sentiment d’unicité et de compréhension aux lecteurs.
« Mon rêve, c’est un livre qu’on n’arrive pas à lâcher et quand on l’a fini on voudrait que l’auteur soit un copain, un super-copain et on lui téléphonerait chaque fois qu’on en aurait envie. » – JD Salinger
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