Afin de souligner leurs 10 ans d’existence, les Éditions Alto ont eu la généreuse idée d’offrir aux lecteurs une invitante sélection de 10 livres à 10$ chacun; Le Christ obèse, du célèbre dramaturge et écrivain québécois Larry Tremblay, en fait partie. La première couverture – représentant nul autre que le Christ crucifié sur des tranches de bacon – avait su attirer mon attention. Additionné à la réputation de l’auteur, il ne m’en fallait pas plus pour avoir envie de me plonger dans les pages de ce court roman.
Le Christ obèse nous absorbe au coeur du monologue intérieur d’Edgar, un être solitaire, asocial et perturbé. Un soir, dans un cimetière, alors qu’il rend visite à sa défunte mère, Edgar est témoin d’une violente agression envers une femme par des hommes qu’il associe aux 4 chevaliers de l’Apocalypse. Il décide d’enfermer la victime inconsciente dans le coffre de sa voiture, de la ramener à la maison et de devenir son sauveur.
La lecture de ce livre fait immanquablement penser à l’univers sombre d’Edgar – Ô coincidence ?- Allan Poe, ainsi qu’à la relation malsaine des populaires personnages de fiction Norma et Norman Bates. Malgré la mention des années 2000, l’histoire semble se dérouler en dehors du temps. On y retrouve des personnages laids, cruels. Edgar est un homme tourmenté, traumatisé par son enfance. Il a un rapport nocif avec sa mère, une infirmière qui fut bonne avec ses patients mais dure avec son fils, qu’elle voyait comme la cause de la perte tragique de son mari.
«Je grandissais, marchais, parlais, devenais tout pour elle mais, surtout, j’étais son châtiment permanent. Elle avait mis au monde un fils qu’elle avait désiré tuer, elle devait expier.»
Il décide alors de prendre soin de la victime -qui s’avère être un homme travesti en femme, qu’il nomme Jean en l’honneur de l’admiration de sa mère pour le pape- comme le ferait une bonne infirmière, comme une mère aimante.
«Les mois qui suivirent furent les plus heureux de ma vie. J’étais libéré de moi, me consacrant entièrement au bien-être de Jean. Il était mon enfant et, pendant de brefs instants, blotti dans ses bras, je devenais le sien.»
Une étrange relation fusionnelle se crée entre Edgar et Jean, les rendant prisonniers l’un de l’autre, créant une ligne floue entre les rôles de bourreau et de victime. Le récit explore les concepts du rapport des humains au bien et au mal, de la religion chrétienne –«Pourquoi la souffrance du Christ est-elle plus importante que la nôtre?»– et de la culpabilité. Le lecteur se retrouve dans un huis clos troublant, ambigu et violent.
Ce roman noir est court, mais dense. Les phrases sont très imagées et nous transposent en des lieux glauques et des situation intrigantes.
«J’habitais un quartier somnifère et suicidaire, et chaque dimanche ne faisait qu’amplifier la désolation de ce coin qui surplombait la ville avec mépris.»
La montée dramatique est efficace; les pages se tournent rapidement. On veut savoir jusqu’où Edgar ira dans son délire. De plus, le rythme des mots et leur musicalité m’ont littéralement transportée !
Ayant un penchant pour les histoires qui dépeingnent la laideur de l’âme humaine, j’ai aussitôt été charmée par Le Christ obèse. L’auteur a réussi a créer chez moi le désir immodéré de savoir comment allaient évoluer les personnages et à quel point culmineraient les événements tragiques. C’était mon premier roman de Larry Tremblay et voilà mon coeur de lectrice conquis.
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