Littérature québécoise
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Un paradis strictement réservé

Je me suis toujours curieusement intéressée à la vie après la mort. À mon avis, il n’y a rien de plus mystérieux. Personne ne sait. Personne ne saura jamais. Du moins, pas de son vivant. Pour cette raison, la littérature qui offre une vision possible de ce que pourrait être l’au-delà m’est toujours apparue comme étant intrigante. Les histoires mettant en scène ce questionnement, omniprésent dans la vie des humains, fructifient l’imagination et apportent toujours avec elles son lot de frivolité, mais également de complexité. Le cycle des Dieux de Bernard Werber en est un excellent exemple. Ce genre de livres a souvent tendance à mélanger mythologie, théologie, science et théorie personnelle. Et selon moi, c’est dans l’infini des possibilités qu’il devient intéressant de s’immiscer en tant que lecteur avide de savoir. Lorsque Neil Smith a été invité à l’émission Plus on est de fous, plus on lit de Radio-Canada pour parler de son tout premier roman Boo, ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Mon copain est revenu à la maison ce soir-là, l’esprit emballé et occupé par une envie débordante de me partager sa nouvelle découverte. Évidemment, il savait bien que l’histoire d’un jeune garçon de treize ans, assassiné dans son école secondaire, qui arrive au paradis à la suite de sa mort récente, m’interpellerait au plus haut point. Et malgré ma minime réticence à lire des romans qui semblent de prime abord s’adresser aux adolescents, je me suis plongée dans l’univers des morts-vivants (Ha!Ha!) de Neil Smith.

Effectivement, le concept de vie après la mort qui est dépeint dans Boo se distingue dans sa multiplicité, c’est-à-dire que le nombre de paradis est déterminé par l’origine et la tranche d’âge des trépassés. Oliver Dalrymple, communément appelé Boo à cause de son teint translucide et de sa capacité à être invisible, est mort à treize ans aux États-Unis, ce qui fait en sorte qu’il se retrouve dans un au-delà exclusivement réservé à des adolescents américains décédés au même âge que lui. L’absence d’adulte aurait pu particulièrement déstabiliser la lectrice que je suis. Les enjeux d’un monde strictement adolescent ne font pas partie des problématiques qui m’animent. Et pourtant…

Ce roman réussit d’une part à toucher aux domaines de l’intimidation et de l’amitié et d’autre part, il évoque des questions scientifiques et de moralité. La façon dont la question de morale se déploie au sein de l’œuvre se décline en la voie du pardon et de la vengeance. Des sujets qui, on le sait, intéressent particulièrement les élèves du secondaire. Or, ce qui est spécialement intéressant avec l’histoire de Boo, c’est que malgré la complexité de ses remises en doute, celles-ci demeurent accessibles à des jeunes ayant atteint un certain niveau de maturité. Avec l’étude des textes du genre argumentaire en cinquième secondaire, les adolescents sont rapidement amenés à donner leurs points de vue et à élaborer des arguments pour justifier ceux-ci. L’intrigue de Boo se prête presque naturellement à cet exercice.

C’est qu’Oliver arrive au paradis en croyant qu’il est mort à la suite de complications avec son petit coeur d’enfant qui se veut défectueux et fragile. Pourtant, une rencontre avec un ancien élève de son école, Johnny Henzel, remet la cause de son décès en doute. En fait, les deux adolescents auraient été assassinés par un cinglé à l’intérieur même de leur école secondaire. Rapidement, les deux jeunes hommes vont se mettre à la recherche de ce fameux tueur fou, surnommé Gunboy dans le Village (nom donné au paradis). L’endroit se constitue de treize secteurs dans lesquels il est possible de retrouver, entre autres une bibliothèque renfermant strictement des oeuvres de fiction, des maison du Bien où travaillent les bienfaiseurs, des centres pour les tristedus (jeunes dépressifs et déprimés ayant «passé») et où l’unique moyen de transport est le vélo. À travers leur quête de justice, les deux protagonistes rencontreront d’autres habitants de leur âge, tels que Thelma, Esther, Reginald ,Peter Peter, etc. Cette vendetta menée par les deux amis sera lourde de conséquences et éveillera des débats n’ayant encore jamais eu lieu au Village. Parmi ceux-ci, l’une des premières interrogations soulevée par les habitants sera la suivante: comment Zig (Dieu selon certains résidents de la place, mais pas Boo qui croit fermement en la science) peut-il permettre qu’un meurtrier soit admis au paradis? Dès lors, les valeurs des personnages commenceront à s’entrechoquer dans le combat pour une justice dite juste pour certains et vengeresse pour d’autres.

Oliver Dalrymple est un anti-héros fascinant comme il nous en est peu présenté dans la littérature. Les nombreux aller-retours dans le passé de l’adolescent nous en apprennent plus sur l’intimidation dont il a été victime dans son école secondaire, sur sa grande intelligence scientifique (il sait énumérer les 106 éléments figurant sur le tableaux périodique de l’époque) et sur sa relation avec ses parents. Une belle sensibilité se dégage du personnage et sous mon oeil, elle est particulièrement rafraîchissante à constater au sein de ce genre de roman. Elle envoie comme message qu’il est possible d’être un garçon de treize ans perturbé, sensible et à la fois héros par son intellectualité. Bref, c’est un réel tour de force.

De surcroît, le livre prend la forme d’un manuscrit que le jeune Boo dédie à ses parents toujours en vie. Les nombreux clins d’oeil aux lecteurs à travers les phrases directement adressés à la chère mère et au cher père ajoutent une touche d’originalité au fond autant qu’à la forme du roman. En tant qu’oeil extérieur, on se sent automatiquement interpellé. Comme si de notre position de vivant, on pouvait voir à travers les yeux de la mère et du père. Le tout est d’ailleurs orchestré d’un doigté de maître.

En somme, Boo, c’est un bijou pour tout individu qui se questionne sur la problématique de la morale (oeil pour oeil, dent pour dent ou pardonnez votre prochain?), qui tangent vers la possibilité de multiples spiritualités et qui s’allument à la vue de nouvelles théories sur ce qui nous attend de l’autre côté. Après tout, l’enfer n’est peut-être pas si loin du paradis et ce, même si celui-ci n’est strictement réservé qu’à des enfants de treize ans. Et vous, la littérature vous a-t-elle déjà fait croire en au-delà imaginaire?

Crédit photo: Michaël Corbeil

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Mais qu’importe l’éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l’infini de la jouissance?» (Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris) Les vers de Baudelaire auront été la source de son épanouissement en tant que bizarroïde de ce monde. La poésie, Marika la vit au quotidien à travers tous les petits plaisirs qui s’offrent à elle. Une grimace partagée avec une fillette dans le métro, la fabrication d’un cerf-volant dans un atelier strictement réservé aux enfants, un musicien de rue interprétant une chanson qui l’avait particulièrement émue par le passé, lui suffisent pour barbouiller le papier des ses pensées les plus intimes. Chaque jour est une nouvelle épopée pour la jeune padawan qu’elle est. Entre deux lectures au parc du coin, un concert au Métropolis et une soirée au Cinéma du Parc pour voir le dernier Wes Anderson, elle est une petite chose pleines d’idées et de tatouages, qui se déplace rapidement en longboard à travers les ruelles de Montréal. Malgré ses airs de gamine, elle se passionne pour la laideur humaine. Elle est à la recherche de la beauté dans tout ce qu’il y a de plus hideux. Elle se joint au Fil Rouge afin de vous plonger dans son univers qui passe des leçons de Star Wars aux crayons de Miron en faisant un détour par la voix rauque de Tom Waits et le petit dernier des Coen. Derrière son écran, elle vous prépare son prochain jet, accompagnée de son grand félin roux, d’une dizaine de romans sur les genoux et d’un trop plein de culture à répandre

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