Charlotte ne sourit pas, Charlotte n’aime pas lire, ni donner son opinion sur la politique, Charlotte joue au charme dans les cafés.Par-dessus tout, Charlotte ne s’aime pas beaucoup. Elle n’est pas comme Mireille, sa coloc, sa meilleure amie. Celle à qui elle ressemble si peu.
Le narrateur, bien présent, bien ancré, suit Charlotte; il a un petit faible pour elle, prend pour elle, la place au centre du roman. C’est grâce à lui qu’un huis clos et qu’une histoire d’amitié aussi fusionnelle qu’explosive prend tout son sens et sa forme.
Le récit suit Charlotte dans sa relation avec Mireille, alors que celle-ci commence à fréquenter Alain, ténébreux anarchiste qui tente de terminer un doctorat en philosophie. Simple mise en scène qui, grâce à l’implication du narrateur omniscient, devient une véritable incursion dans la mécanique humaine des personnages.
En permettant au narrateur de jouer avec l’histoire de la sorte, on se trouve face à un roman qui dépeint des personnages qui sont trop analysés pour être aimables, mais qui restent pourtant si humains. J’ai eu l’impression, malheureusement peut-être, de me retrouver un peu dans le personnage de Charlotte, elle qui se croit un peu mieux, mais à la fois si moindre, qui s’attarde trop au regard des autres, qui se construit et joue à travers les autres, Charlotte qui s’attaque elle-même pour ne jamais pouvoir subir pire attaque de la part d’autrui. Charlotte qui, finalement, se définit un peu trop par l’opinion des autres, prisonnière des premières impressions. Par contre, j’ai aussi l’impression que tout le monde peut se retrouver dans ce personnage, même si on ne la trouve pas particulièrement aimable, étant ainsi confrontée à tout son attirail de pensées, il n’en reste pas moins qu’elle démontre aussi une certaine vulnérabilité, qu’elle se construit des barrières pour éviter d’avoir trop mal et que tout ça, on peut tous s’y rapporter, s’y retrouver et comprendre.
Dans Charlotte ne sourit pas, un événement tel que l’implosion d’une amitié devient le prétexte à une fine étude des comportements humains. On se trouve à l’intérieur, à l’épicentre d’un conflit, détaillant les pourquoi et les comment, mais surtout les perceptions et entêtements de Charlotte face à ce conflit.
J’ai été agréablement surprise par la justesse et l’intelligence derrière ce roman. Peut-être est-ce justement parce que des échos de Charlotte ont résonné en moi, peut-être parce que le récit est moderne et actuel, qu’il me semble bien dépeindre une facette de notre génération et de l’humain en général, qu’il est à la fois un peu cynique, presque ironique, philosophique, n’en reste pas moins que c’est, à mon avis, un roman autant créatif qu’intelligent. De plus, donner une voix au narrateur donne un caractère unique au roman. Ce double jeu du récit permet de percevoir non seulement la mécanique des personnages, mais aussi celle du roman lui-même, dans la construction du récit, entre les mains du narrateur, malgré lui.
J’ai passé un bon moment en lisant Charlotte ne sourit pas, cette histoire dans laquelle il ne se passe pas grand chose mais qui raconte tout de même de grandes choses. Je crois bien me plonger bientôt dans le tout premier roman de Thomas O. St-Pierre, Même ceux qui s’appelle Marcel, auquel il fait intelligemment référence dans son second roman.
Ah et en plus…Charlotte sourit à la fin !
Le fil rouge tient à remercier Marc-Olivier et Léméac pour ce service de presse .
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