Littérature étrangère
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Rien n’est trop beau pour les gens ordinaires; au coeur d’une guerre de HLM

Berthold vit chez sa mère. Pourtant, il approche la cinquantaine. Ensemble, ils vivent dans un HLM que le gouvernement tente de reprendre à ceux qui ont une chambre inoccupée. Situation dans laquelle notre protagoniste se retrouve lorsque sa mère, un peu sénile, meurt. Que faire s’il ne veut pas perdre son loyer- seul endroit ou il se sent chez lui après un divorce, la mort de sa fille et une lourde dépression- ? Trouver quelqu’un pour jouer le rôle de sa mère, bien sûr!

C’est  ainsi que débute le tout dernier roman de Marina Lewycka. Après Traders, Hippies  et Hamsters, que j’avais bien apprécié, j’étais bien curieuse de retrouver la plume de cette auteure et de voir dans quelle histoire rocambolesque elle allait m’emporter cette fois.

On se retrouve donc à suivre Berthold, fils à maman, comédien déchu, se remettant tant bien que mal d’une dépression, alors qu’il recrute la colocataire de chambre d’hôpital de sa mère, une vieille ukrainienne au tempérament bien trempé, pour jouer le rôle de sa mère, tentant de flouer les services sociaux. En parallèle, on suit aussi l’histoire de Violet, jeune femme d’origine Kénianne qui cherche à faire sa place dans une société financière où les valeurs d’entreprise semblent bien peu éthiques. Voisins, Berthol et Violet se croisent peu, juste assez pour que l’un développe un amour un peu pathétique pour l’autre, essayant tant bien que mal -et échouant- de  la charmer.

Tragi-comédie sociale 

Marina Lewycka a certainement un talent particulier et bien travaillé pour jouer ainsi entre absurdité,  comédie et critique sociale. Autant on trouve absurde la tentative de Berthold, autant on comprend pourquoi il agit de la sorte. On se retrouve face à un roman qui, sous ses allures de comédie, met en premier plan la misère de la classe ouvrière, de ceux qui n’ont d’autre choix que de se jouer du système pour survivre. Par l’entremise de Violet, Lewycka ne ménage pas non plus les grandes compagnies, prêtes à tout pour faire de l’argent facilement, sans se soucier des autres, des conséquences ou d’une quelconque éthique.

Que ce soit à travers les autres habitants des HLM avoisinants, ceux  qui semblent tous vouloir mettre la main sur le loyer en question, ou bien même cette vielle Inna qui semble cacher quelque chose derrière les motivations qui la pousse à embarquer dans ce plan rocambolesque, tout le monde essaie simplement de s’en sortir, de survivre. Parmi les moments drôles, les personnages hauts en couleurs et les évènements tout aussi colorés, on se trouve face à des moments plus difficiles, des moments qui nous ramènent bien vite sur terre et nous rappellent la réalité dans laquelle les personnages sont campés.

Deux parcours en opposition

D’un côté, nous avons Berthold qui passe par-dessus ses propres principes, enfreint les lois et ne voit d’autres options que celle-ci pour garder son loyer alors que, de l’autre, nous avons Violet qui fait tout en son pouvoir pour agir selon ses valeurs, qui quitte un emploi haut placé en finances car leurs actions – création de comptes dans des paradis fiscaux – vont à l’encontre de ses principes. En ce sens, on se trouve à découvrir, chapitre après chapitre, deux parcours en oppositions qui n’en finissent plus de s’éloigner. Alors que Berthold ne pense qu’à lui, qu’à son loyer et à sa carrière d’acteur qui ne fonctionne pas vraiment, Violet essaie d’empêcher la construction d’un complexe immobilier dans la cours du HLM, postule un emploi pour travailler dans un ONG venant en aide aux femmes du Kénya. Bref, ils ne pourraient pas être plus différents l’un de l’autre.

C’est ce qui rend encore plus intéressant la lecture de Rien n’est trop beau pour les gens ordinaires. Le fait de voir évoluer, dans des voies différentes, de manière simultanée, les deux protagonistes, offre un roman à la fois plus complet, plus humain et plus divertissant que s’il nous avait été donné de suivre seulement l’un ou l’autre des personnages. Tout comme dans Traders, Hippies et Hamsters, l’auteure capte mieux l’attention avec une ribambelle de personnages et une alternance entre les voix.

La formule Lewycka 

Marina Lewycka a certainement trouvé son créneau avec la tragi-comédie sociale, la multiplicité des voix et une touche d’Europe de l’est. Bien que je n’aie lu que deux de ses cinq romans, j’ai bien l’impression qu’elle applique cette formule à chacune de ses histoires. Elle-même d’origine Ukrénienne, on y retrouve toujours quelques clins d’oeil à son pays d’origine. Est-ce une mauvaise chose? Je ne crois pas, lorsqu’on aime, bien entendu.

Et justement, la formule Lewycka marche pour moi. Rien n’est trop beau pour les gens ordinaires est un roman simple et léger, sans pour autant être sans substance. Un divertissement intelligent qui fait rire et réfléchir à la fois. On s’attache aux personnages et à l’univers proposé par l’auteure. C’est comme écouter une bonne série, sans les 7 saisons qui permettent trop souvent à la série de se dégrader.

Quel est le dernier roman qui vous a donné cette impression ? 

 

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