Ce matin, je cherche l’écriture dans le vol des oiseaux.
Michel Pleau
Sublimer le jour et la nuit
Ce soir de juin, j’étais assise dans la salle de spectacle, très intime, de la Vieille Usine, entourée de mes amis et nous étions tous attentifs à la poésie qui déferlait sur nous. À la suite du spectacle, nous étions tous fébriles, une forte impression d’être différents, nous ne pouvions nous quitter ainsi. Alors nous nous sommes rattaché les uns, les autres, cette nuit-là, mais aussi les jours suivants et même si la saison file comme l’éclair, la poésie reste imprégnée sur nos peaux de sensibles, de curieux et de vivants.
Avec d’autres, nous avons commencé à poser des gestes poétiques. Des carnets d’écriture à deux. Des échanges de bouts de papier contenants des fragments, offerts, comme on offre des fleurs sauvages. Des désirs de se réunir pour se lire nos poèmes favoris. Des recueils en circulation. Ce ne sont que des petits gestes, mais ils nous font vibrer et ils permettent à la poésie de continuer de respirer lorsqu’elle pourrait s’essouffler. Maintenant, on se reconnaît, on se reconnecte et on entraîne dans notre mouvement d’autres âmes en quête de beauté, d’émotions, de sublime.
Un souffle. Un murmure. Une voix.
L’instant.
Ce besoin d’écrire l’instant= incapable si je prends un chemin littéral, la poésie est ailleurs, aussi vaste que l’émotion, mais différemment, capter ce qui est, sans chercher autre chose (temps, attente, désir, possession).
Il y a un peu plus d’une année, c’était au moment de voir pour la énième fois le soleil descendre sur le champ derrière la maison, orangé, incendie dans le ciel. Je souffrais de revivre chaque jour ce même spectacle grandiose. Je me demandais ce que j’avais fait pour mériter ça et je tentais de retenir l’instant. L’écrire, le photographier, le dessiner, mais surtout le sentir me traverser, être du moment, entière. Je ne savais pas comment accéder à un état où je serais, tout simplement.
Je ne cherche plus à tout conserver, comme s’il fallait garder toutes les traces exactes du moment, de la chose. Et pourtant, impossible, puisque les autres ne vivront jamais le moment physique, humain, temporel comme je l’ai vécu, mais autre part, lorsque la loupe permet de voir plus largement, tout se place et les mots englobent et permettent de se rejoindre, de se reconnaître, de percevoir les couleurs et les gestes à la fois flous et tellement personnels. La poésie, c’est la magie du souvenir.
Enfin, je ne cherche plus à posséder. Et ça se reflète sur tout, sur ma relation au paysage, au temps, aux gens, aux objets et aux souvenirs. Plutôt, je m’abandonne, me dépossède, mais en étant présente continuellement.
Tout ce que je me permets encore, c’est de ramasser des roches, des pierres, du verre et des os polis sur la plage.
La poésie, le mode vie, nourrit et fait naître la poésie, le langage.
Le langage
Comme je le répète souvent, il faut écrire pour apprendre à écrire, selon moi, comme il faut peindre pour apprendre à peindre. Depuis que j’ai permis à l’écriture de revenir dans ma vie, à sa manière, avec son langage à elle, j’apprends énormément et je vois se déployer autour de moi de nouveaux langages qui viennent correspondre avec le mien.
Tu ne sais jamais quelle poésie tu rajouteras au monde.
On m’avait mal enseigné la poésie. Comme une matière, une manière de faire. Il m’a fallu l’apprivoiser comme une bête affamée. Je crois que c’est pour cela que j’en suis maintenant aussi amoureuse, éperdue, passionnée. Laisser libre vie à un langage qui a toujours été là, vibrant, cherchant à s’exprimer, par les mots, mais en usant des mots comme s’ils n’avaient encore jamais été entendus, mais que tout le monde tout de même s’y rejoignent pour créer des liens entre eux et avec le Monde.
De la source, l’émerveillement se dégage. L’enfance, le rêve, la possibilité de capter quelque chose d’insaisissable qui n’a pas besoin d’être compris, expliqué ou encadré dans un discours. La poésie naît du lieu primitif de chaque personne, le filon fluide passe d’une personne à une autre, autant pour celui qui écrit que pour celui qui reçoit. La poésie est d’incessante existence.
Enfin
La poésie est vivante. Elle est mutable ou immuable, mouvante, elle se tient au-delà des chaires, mais sait faire frissonner. Elle se tient au-delà du discours, mais change des conceptions entières. Elle se crée dans le silence et la solitude, en plein tumulte, elle se vit dans le bruit, l’entrechoque, les regards qu’on ne détourne plus. Enfin.
Un souffle.
Un murmure.
Une voix.
Nous devenons la maison de cette poésie, qui enfin s’est trouvé un lieu, après plusieurs voyages.
Et moi. J’ai trouvé le territoire où je voulais devenir poète.
Un fragment, le moment, tous les moments.
Et toi, quels changements l’arrivée de la poésie a-t-elle créés dans ta vie et dans celles des gens qui t’entourent?
Liste de suggestions de recueils
–Pleurer ne sauvera pas les étoiles – François Guérrette
–Le corps inachevé – Joanne Morency
–Ariel – Sylvia Plath
–L’homme rapaillé – Gaston Miron
Des poètes que je découvre et que je désire suivre
-Véronique Cyr
-Jean-Simon Desrochers
-Marie-Andrée Gill
-Joanne Morency