Les adaptations cinématographiques d’œuvres littéraires nous rendent tous sceptiques. Le pari est souvent élevé, et si le film ne devient pas rapidement numéro un, on le classe dans la catégorie indéfiniment longue des mauvaises adaptations, car ce qui fait un bon livre ne signifie pas toujours un bon résultat sur nos écrans. Il suffit de penser à The Girl on the Train ou à la populaire série Divergent. Mais parfois, notre scepticisme étant si élevé, les surprises jaillissent de certaines œuvres qu’on croirait impossible d’adapter; que ce soit The Lord of the Rings ou plus récemment le magnifique IT.
Pour ma part, je suis une très grande admiratrice de ce procédé. Il y a quelque chose de fascinant de permettre une seconde vie à ces personnages. Ce sont des œuvres qui prennent des risques extrêmes et qui sont dotées d’une telle qualité littéraire qu’on ne peut s’imaginer de les laisser dans notre bibliothèque. Et la plupart du temps, si le film est un échec, l’œuvre, elle, persiste. Et vice versa.
Dernièrement, j’ai eu la chance de me pencher sur une nouvelle adaptation québécoise du livre à succès de Nicole Bélanger, Les rois mongols (originellement nommé Salut mon roi mongol!). Œuvre portée à l’écran par Luc Picard, réalisateur et acteur du grandissime film L’audition, mes attentes étaient très élevées. Et je n’ai pas été déçue…
Le roman
Les rois mongols est le récit de Manon et de son petit frère Mimi. Se déroulant durant octobre 1970, ces deux jeunes enfants sont sur le point d’être séparés. Leur père mourant et leur mère souffrant d’une dépression majeure, la DPJ rôde autour de ces deux enfants inséparables. Mais puisque Manon a « juré craché » à Mimi que personne ne les séparerait, elle décide de se rebeller et de suivre le chemin emprunté par les felquistes, ceux qu’elle voit à la télévision. Avec l’aide de ses deux cousins, elle créera un mouvement aussi revendicateur que celui du Front de libération du Québec en kidnappant une vieille mamie et en l’amenant se cacher au fond des bois. Elle leur servira d’otage, puis de complice.
Les rois mongols est une œuvre magistrale où la naïveté n’est plus un moyen d’échappement, mais plutôt une manière d’élever l’esprit. Salut mon roi mongol! D’emblée il faut l’admettre, l’œuvre de Nicole Bélanger est empreinte d’une belle sensibilité. Valsant entre l’humour, le sarcasme et l’engagement, on nous offre un portrait touchant et violent de l’enfance des années 70. Bien que dépourvus d’argent, ces quatre héros sont imaginatifs et convaincus que leur vie leur appartient, et qu’ils ne doivent rendre de compte à personne. Empreint d’autodérision, c’est un portrait juste d’enfants qui se rebellent contre les conventions des adultes. C’est une évolution de mentalité, un clash de ce que leurs parents leur ont enseigné. Ils sont les voies de l’avenir, et savent que pour changer le monde, ils doivent entreprendre de bien grandes choses.
Narré par Manon, on a droit à un point de vue engagé et même parfois violent. Manon est une magnifique personne qui a le feu sacré. Petite fille à son père, elle tente de défendre ses idées comme il lui a appris. C’est une rebelle à l’âme pure, qui ne veut rien d’autre que le bonheur de son petit frère. Parsemée de plusieurs dialogues, l’œuvre se lit rapidement et le réalisme est si flagrant qu’on a l’impression d’être des leurs. Le roman se dévore si bien, qu’à la toute fin, on en voudrait plus. Nous laissant sur cette fin ouverte, on se questionne longuement sur le pourquoi et sur la suite de choses. C’est un roman qui nous colle à la peau et qui nous hante pendant plusieurs semaines.
Le film
Une des plus grandes qualités de cette adaptation est le portrait de ces quatre enfants. Chaque acteur s’est vu bien dirigé et a amené les couleurs et les nuances que nécessitait son personnage, à commencer par le jeune Mimi, interprété par Anthony Bouchard. Sa candeur, son énergie et son jeu instinctif nous bercent tout au long du visionnement. On est obnubilé par cette petite boule d’énergie, alerte à chaque changement de situation. Il en va de même pour le cousin Martin, interprété par le fils de Luc Picard, Henri Picard, un personnage à mi-chemin entre l’enfance et l’âge adulte, mais empreint d’une belle sensibilité. On adore voir évoluer ces quatre personnages, qui, convaincus de faire la bonne chose, finissent par trouver les réponses qu’ils cherchaient depuis longtemps. Les scènes qui se déroulent dans le bois sont empreintes d’une grande beauté. On nous permet un regard tendre sur l’enfance, où les personnages, pour la première fois du film, semblent sincèrement heureux.
Il faut aussi mentionner la grande qualité d’adaptation du scénario de Nicole Bélanger et de la réalisation de Luc Picard. On retrouve le même ton employé dans le livre tout au long du film. On rit, on pleure et on est ému par ce vent d’enfance qui nous rappelle à quel point c’est un moment crucial dans notre développement. C’est un film très nostalgique, certes, qui dénonce une société appauvrie et mal comprise. Mais c’est avant tout un hymne à notre Québec, à ses richesses et à son histoire qui a façonné nos vies. Il est difficile de dire qui en ressort le plus fort, car pour une des rares fois, j’ai vraiment l’impression que l’auteur et le réalisateur ont voulu la même chose. Tout est sincère, bien pesé, et chaque image est empreinte d’une grande beauté. C’est un film intelligent, divertissant et nécessaire.
À ma sortie de la salle, les yeux brumeux, j’ai eu ce sentiment de devoir accompli, ce sentiment de bien-être quand on a l’impression d’avoir assisté à quelque chose de grandiose. Car oui, Les rois mongols est un baume pour le cœur. Et si cette œuvre nous rappelle notre enfance, elle nous permet aussi de nous intéresser à celle de nos parents, et a éveillé notre curiosité. Comme quoi tout le monde a un cœur d’enfant à tout jamais…
Et vous, quelles adaptations vous ont marqués?
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