Littérature québécoise
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S’exiler sur Tatouine avec Jean-Christophe Réhel

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Exposer la subtile beauté du banal, voilà l’exploit que réalise Jean-Christophe Réhel  avec la publication de Ce qu’on respire sur Tatouine. Dans ce roman sans chapitres, on suit le quotidien du narrateur, qui entrelace des épisodes réels de sa vie à des éléments fictifs, dans la plus pure tradition de l’autofiction. Entre un emploi de commis au Super C, une chambre louée dans le sous-sol d’un bungalow à Repentigny et une virée à New York arrosée de crème de menthe, Jean-Christophe Réhel nous dévoile l’unicité de l’anodin, le tout avec la chanson Fell in love with a girl qui résonne en permanence dans nos oreilles.

Ode à la solitude sur fond de fantasme starwarsien

Il se dégage de ce récit du quotidien une constante impression d’être dans la tête de l’auteur; on accompagne ses pensées, souvent incongrues, parfois incroyablement poétiques. Cette sensation de s’introduire dans l’intimité de l’auteur – qui avoisine le voyeurisme – dévoile aussi l’ampleur de sa profonde solitude. Partout où il va, le narrateur ne semble jamais complètement à sa place, il ne cadre pas avec le décor. Sa vie est décalée, il se sent toujours de trop et ses proches sont quasi absents. C’est d’ailleurs de ce sentiment qu’émane son souhait récurrent de «crisser son camp sur Tatouine», planète issue de l’univers de Star Wars, film culte du narrateur. Or, Tatouine représente beaucoup plus qu’une simple planète fictive; c’est un exutoire pour le narrateur, qui s’imagine y vivre sans tracas, sans engagements, sans soucis de santé.

Il y a quelque chose dans cette intrigue somme toute assez banale qui captive l’esprit. Dans ce roman où il ne se passe rien, on retrouve paradoxalement beaucoup de contenu. C’est  une réussite assez exceptionnelle en soi d’avoir converti une réalité aussi ordinaire en une épopée qui nous intéresse jusqu’à la toute fin, sans précisément savoir pourquoi. La qualité du texte y est certainement pour beaucoup; la prose de l’auteur regorge de trésors poétiques dans une surprenante simplicité: 

« Peut-on mourir de noirceur? Je n’ai pas vu le soleil depuis un bon moment. Il neige tout le temps à Repentigny. Le ciel est toujours d’un gris pâle. Mes ongles sont trop longs. Je sais que je dois les couper, mais je n’ai pas l’énergie pour le faire. Tout ça est un grand défi. Tout est compliqué. Se couper les ongles ou marcher dans la neige, même combat. Sur Tatouine, je n’aurais pas besoin de me laver ou de me faire couper les cheveux non plus. Mes cheveux seraient toujours de la bonne longueur, toujours propres, toujours bien placés. » 

La maladie sans misérabilisme  

Omniprésente dans le livre, la fibrose kystique est un combat quotidien pour l’auteur qui en est atteint. Jean-Christophe Réhel décrit avec exactitude l’aspect envahissant de cette maladie, sans jamais tomber dans l’apitoiement ou le désarroi.  L’auteur tente de ne pas faire de sa maladie le centre de sa vie, et cet état d’esprit se reflète chez son narrateur. Il n’y a pas une intellectualisation de sa maladie, en ce sens que l’auteur n’en dégage pas une quête de sens.

Qui plus est, l’humour se manifeste constamment dans les remarques du narrateur, ce qui permet d’alléger l’aspect tragique et douloureux de sa santé. Cette démarche où l’humour et le dramatique s’entrecroisent nous rend le narrateur très attachant, malgré son incroyable manque de structure et d’organisation. 

Bref, Ce qu’on respire sur Tatouine est un roman non conventionnel qui plaira à tous ceux et celles qui, comme Jean-Christophe Réhel, tentent inlassablement de trouver leur planète salvatrice.

Et vous, avez-vous découvert des romans atypiques qui vous ont émus?

 

Un commentaire

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