Littérature étrangère
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Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard : Quand la passion détruit

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Ça raconte Sarah est le premier roman de Pauline Delabroy-Allard, paru à l’automne dernier aux Éditions de Minuit. En quelques mots, c’est l’histoire de la passion qui se développe entre Sarah et la narratrice, une jeune femme qui vivait une vie plutôt rangée jusqu’au jour où elle rencontre Sarah. C’est un roman absolument envoûtant, j’oserais dire un thriller amoureux. On a beaucoup de difficulté à ne pas le terminer une fois qu’on l’a commencé, d’autant que les premiers paragraphes nous engagent dès le départ par un élément intrigant (que je ne vous dévoile pas!) qui fait qu’on se pose des questions presque tout le long de la lecture.

Éros et Thanatos

Après avoir terminé ma lecture, j’ai tout de suite pensé à Éros et Thanatos. Je suis loin d’être une spécialiste des théories psychanalytiques, mais il me semblait assez évident ici que le roman, divisé en deux parties distinctes, permettait qu’on associe chacune de ces parties à ces deux éléments de la théorie freudienne. L’Éros correspond, chez Freud, à l’ensemble des pulsions de vie, incluant les pulsions sexuelles. Dans la première partie du roman, il y a la rencontre entre Sarah et la narratrice, et on suit le développement de leur passion, qui s’installe dans leur vie quotidienne. Sarah est un être libre, vivant, qui inspire l’amour à une femme qui, jusque-là, n’avait même jamais été attirée par une autre femme. Si vous connaissez vos racines grecques, vous aurez compris que Thanatos est la pulsion de mort. En théorie freudienne, elle s’oppose à l’Éros et j’ai trouvé que c’était aussi ce qui se passait dans la seconde partie de Ça raconte Sarah. Sans entrer dans les détails, pour vous garder le plaisir de découvrir par vous-même, disons que la passion initiale se transforme en une vague destructrice pour les deux jeunes femmes.

Poésie amoureuse

La narration du roman est, elle aussi, scindée en deux parties distinctes. Bien que toute la narration soit au «je», la première partie est surtout une longue description de Sarah, au «elle», et se lit vraiment comme un hymne d’amour à celle-ci, alors que la seconde partie est seulement au «je» et s’attarde à la narratrice. Je dois dire que j’ai été emportée par les mots, dans la première partie, qui décrivent les sentiments avec intensité:

«Je rentre seule, chez moi, en métro. J’ai tout le corps qui tremble. Les jours passent, les semaines passent, les bourgeons vert tendre n’en finissent pas d’éclater sur les branches qui se détachent comme de la dentelle sur les ciels bleu ciel. Aucun nuage, jamais. […] Aucune mélancolie, jamais. De la joie. Ce printemps est une fête qui dure et qui dure.» (p.47)

«Elle m’étreint, elle aspire mon souffle court entre ses lèvres. Elle règne sur Chambord, elle domine mon cœur, elle gouverne ma vie. C’est une reine.» (p.58)

Bref, dans cette partie et tout au long du roman, l’autrice a un style un peu grandiloquent, baroque, qui est à mon avis à la hauteur de son personnage. Sarah ne serait pas ce qu’elle est sans ces mots qui la décrivent aussi bien et qui rendent compte de l’énergie qui anime les deux jeunes femmes.

En somme, j’ai bien aimé Ça raconte Sarah et ça m’a certainement donné envie de lire les prochaines œuvres de Pauline Delabroy-Allard. Ça m’a aussi fait constater qu’à part Marguerite Duras, je n’avais pratiquement rien lu aux Éditions de Minuit, alors qu’avec Duras et maintenant Delabroy-Allard, j’en suis à deux en deux pour des autrices dont le style sans compromis m’emporte complètement. Ça m’a donné envie de pousser plus loin ma découverte de cette maison d’édition.

Auriez-vous quelques titres préférés à me suggérer aux Éditions de Minuit?

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