Essais
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Éloge du mariage, de l’engagement et autres folies, par Christiane Singer

«Impossible d’extirper de la vie de l’autre, comme on le ferait de tiques dans le pelage d’un chat, les rencontres qui importent pour lui. Par un mystère, impossible à élucider, ce sont précisément toutes les rencontres d’une vie qui nous font peu à peu advenir. Chaque rencontre me livre d’étrange manière, tantôt une lettre, tantôt un mot, tantôt une virgule, un blanc qui, peu à peu, mis bout à bout vont composer le libellé d’un message à moi seul adressé. Ou mieux encore : chaque rencontre ardente détient une pièce biscornue du puzzle qui finira par me composer une vie et qui, avec la multiplication des pièces disposées, va lentement, dans un dégradé de couleurs, laisser apparaître les grands contours, les grands thèmes de ma destinée. Et ce sont les autres qui me livrent – souvent à leur insu – la clef de mon énigme.»

J’aurais pu choisir n’importe quel autre passage du livre pour introduire mon article, parce que chaque phrase de l’essai de Singer est d’une grande justesse et d’une beauté vaste et brillante.

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Son nom résonnait déjà vaguement dans ma mémoire, pour en avoir entendu parler à quelques occasions, mais Éloge du mariage, de l’engagement et autres folies signe ma première rencontre avec l’auteure Christiane Singer.
Et c’est fort probable que ce ne soit pas un hasard s’il s’est retrouvé entre mes mains à ce moment-ci de ma vie. Un ouvrage discourant sur l’amour, le couple, l’engagement… Me voilà seule depuis un temps et je cherche à apprivoiser le monstre à nouveau. Je dis le monstre, mais c’est plutôt une montagne que je souhaite visiter une autre fois encore, comme si c’était là mon tout premier voyage en hauteur.
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À une époque où engagement ne rime plus nécessairement à quelque chose, les écrits de Singer me poussent, sans dogme, sans parti prix et sans légèreté, à réfléchir pour transformer certaines idées fausses ou plutôt fermées que j’ai sur le sujet. Je cherche alors à mettre des mots sur ce que je désire pour une relation future et comment je peux aborder plus sainement la chose.

Ok! On s’entend pour dire que lorsque les émotions et les sentiments se mêlent à la bonne volonté ou à la logique, ça crée une sorte de grande salade de fruits qui tourne et tourne dans un bol immense et on ne finit par percevoir qu’un mélange de couleurs et de parfums un peu vagues. Bref, on s’y perd. Totalement. Du moins, en partie.
J’ai tout de même la certitude d’être habitée, encore longtemps, par les idées captées dans ce livre.
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Comme je le disais un peu plus tôt, l’ouvrage est écrit d’une façon admirable. J’ai cette impression d’être plongée dans le livre et de pouvoir et de vouloir y rester longuement. Je danse, je dors, je rêve, je réfléchis, je soupire (!) et je souris entre chaque ligne et même entre les mots, choisis avec finesse.

Je lis et je relis. Et je lis chaque phrase pour la première fois avec ce que je suis au moment de la lecture.

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«Si seulement tu savais toi-même qui tu es, qui tu héberges et qui t’habites, ce serait du moins un début. Mais n’est-il pas plus honnête d’en convenir : celui ou celle que tu prétends être, et dont le nom est pour mémoire sur ta porte et tes papiers d’identité, n’existe encore que de façon rudimentaire.»
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Outre le sujet principal, qui semble légèrement atténuant, cette crainte de l’engagement, il y a l’idée des relations au sens très large, au sens humain, au sens marquant et au sens grandiose de la chose.
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Les réflexions de l’auteure sont traversées par des contes, composés d’une façon si singulière, qui nous permettent de méditer longuement en regardant la mer et son infinité.
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Vous n’avez besoin de lire que le chapitre premier, La traversée de l’impossible, pour comprendre toute l’étendue de cet ouvrage. J’y repense et les poils sur mes bras reprennent la direction du ciel et les larmes emplissent mes yeux.
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«Il y a des «appels» dans l’ordre du quotidien (un besoin de solitude – un désir de voyage, de repli, de recul, de retraite – une amitié ardente) qui signalent à l’autre :
«Tu m’as aimé pour cette vie qui m’habitait. Elle menace de tarir. Pour la refaire jaillir, je dois faire ce pas qui peut-être t’effraie; mais je dois le faire par respect pour moi et pour toi.»

Exiger de celui qui parle ainsi qu’il fasse taire cet appel, c’est mettre en chantier la lente transformation du foyer en maison de morts.

Celui ou celle qui a été appelé à se mettre de quelque manière en mouvement et qui a été retenu – tant pour de bonnes raisons que par peur, par convention – ne pardonnera pas dans son for intérieur à celui (celle) qui d’un seul mot peut-être a scellé à son pied un boulet. Il reste. Elle reste. Mais qui reste au juste? Et quelle part s’éloigne ou s’éteint en catimini? Et si c’était précisément la part vibrante pour laquelle nous nous sommes aimés?»
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«Vouloir me perdre en toi, me jeter en toi, corps et biens, avec tous mes meubles et mes trésors. T’envahir. Te combler. Te faire gardien de mes propriétés! Il n’est pire cruauté.

Car tu as une vocation, unique, une œuvre à mener à bien.
Toi-même.
Et pour cela, il te faut tout l’espace qui est en toi.»


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«Christiane Singer est née à Marseille en 1943 et décédée le 4 avril 2007 à Vienne en Autriche, à 64 ans, est une écrivaine, essayiste et romancière française. Son père était d’origine juive hongroise et sa mère moitié russe et moitié tchèque. À cause de la persécution des juifs, ses parents fuient la Hongrie, puis l’Autriche, et s’installent en France, à Paris, en 19351. Elle naît huit ans après, en 1943, à Marseille.

Elle est lycéenne et élève du conservatoire de diction et d’art dramatique à Marseille, puis suit des études de lettres à Aix-en-Provence, où elle obtiendra un doctorat de Lettres Modernes. En 1968, elle rencontre le Comte Georg von Thurn-Valsassina, architecte, qui deviendra son mari, et s’installe en 1973 dans son château médiéval de Rastenberg (Autriche), non loin de Vienne, et y élèvera ses deux fils. Ce château lui inspirera l’œuvre romanesque éponyme en 1996 Rastenberg. Elle organise également sur son domaine des séminaires de développement personnel, dans une maison qu’elle a conçue, et que son mari architecte a construite. À la fin des années 1970 elle fonde avec l’éditeur Victor Trimondi le Dianus-Trikont-Verlag à Munich. Elle a suivi l’enseignement de Karlfried Graf Dürckheim (disciple de C.G. Jung). Elle fut notamment, en Suisse, lectrice à l’université de Bâle, puis chargée de cours à l’université de Fribourg. Son œuvre et sa réflexion personnelle sont tout entières centrées sur la prise en compte nécessaire du spirituel qui couve dans le cœur de chacun. Elle est un écrivain relativement prolifique, de sensibilité chrétienne imprégnée de sagesse orientale, qui s’abstient de donner des leçons de morale et exclut tout dogmatisme. Elle a obtenu plusieurs prix littéraires, dont le prix des libraires pour La Mort viennoise en 1979, le prix Albert-Camus pour Histoire d’âme en 1989, et le prix de la langue française en 2006 pour l’ensemble de son œuvre.

Elle dira à la radio : « J’ai écrit un livre sur Les Âges de la vie. J’ai tenté de montrer ces métamorphoses de l’être au cours de la vie. Il est évident que tout cela ne vaut que si l’on a appris en cours d’existence à mourir. Et ces occasions nous sont données si souvent ; toutes les crises, les séparations, et les maladies, et toutes les formes, tout, tout, tout, tout nous invite à apprendre et à laisser derrière nous. La mort ne nous enlèvera que ce que nous avons voulu posséder. Le reste, elle n’a pas de prise sur le reste. Et c’est dans ce dépouillement progressif que se crée une liberté immense, et un espace agrandi, exactement ce qu’on n’avait pas soupçonné. Moi j’ai une confiance immense dans le vieillissement, parce que je dois à cette acceptation de vieillir une ouverture qui est insoupçonnable quand on n’a pas l’audace d’y rentrer.»

En septembre 2006, lorsque son médecin lui annonce qu’il lui reste six mois à vivre, à la suite d’un cancer, elle écrit un journal au cours de ses derniers mois, qui sera publié sous le titre Derniers fragments d’un long voyage. Christiane Singer est décédée en avril 2007, à l’âge de soixante-quatre ans.»
Source : Wikipédia

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Louba-Christina Michel est une passionnée. Elle écrit depuis qu’elle sait comment faire et même avant, dans une sorte d’hiéroglyphes inventés. Et dessine depuis plus longtemps encore, elle a dû naître avec un crayon dans la main. Elle est transportée par tout ce qui touche à la culture et dépense tout son argent pour des livres et des disques (hey oui!). Elle prend beaucoup trop de photos de son quotidien, depuis longtemps. Des centaines de films utilisés attendent d’être développés dans des petites boîtes fleuries. Sa vie tourne autour de ses grandes émotions, de ses bouquins, de l’écriture, de l’art, du café et maintenant de sa chatonne princesse Sofia. Après une dizaine d’années d’errance scolaire et de crises existentielles, entre plusieurs villes du Québec, elle est retournée dans son coin de pays pour reprendre son souffle. Elle travaille présentement à un roman et à une série de tableaux.

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