Hochelaga pour moi, c’est comme une chanson de Bernard Adamus : puissant, poétique, beau et laid en même temps, mais surtout, profondément réaliste.
J’ai découvert Hochelaga sur le tard. J’ai grandi à Outremont, et l’est de Montréal m’apparaissait comme une contrée lointaine pendant bien longtemps. Il y a un an, j’ai atterri sur l’avenue Bourbonnière à deux pas de la promenade Ontario et très rapidement, Hochelaga a pris sa juste place dans mon cœur. Les gens qui ne connaissent pas bien ce quartier s’imaginent beaucoup de choses; il inspire beaucoup de clichés. On dit que le quartier n’est composé que de miséreux et qu’il vaut mieux ne pas trop s’attarder à se promener le soir, à la sortie des bars. On dit aussi que les « bobos » l’ont envahi et font monter le prix des loyers. Même si de nombreux stéréotypes puisent leur fond d’une vérité, c’est restreindre énormément la richesse de ce quartier que de croire qu’il ne se résume qu’à ça.
L’univers dépeint par les chansons de Bernard Adamus est sale, mais imprégné d’amour et de petits bonheurs de la vie. Sa musique est simple, mais si addictive. Il joue avec la langue et les mots, sans se donner de contraintes. De la poésie d’Hochelaga. Ses chansons respirent les ruelles du quartier et n’auraient pas pu être écrites ailleurs, mais dépeignent des sentiments plus largement montréalais.
De mes pauvres deux mains moi j’sais pas faire grand-chose
À part chanter des rengaines pis dire aux filles que j’les aime
C’t’une saison d’slush, de bouette, de gadou pis d’frette
Une chance que j’ai ma bonne femme pour passer l’hiver avec
(…)
J’t’à veille de m’péter les dents sur mes vieux rêves d’enfants
C’est qui le sacrament qui a écrit « Vive le vent » ?
Y fait -20 à matin coin Iberville Rosemont
Y’a la job qui m’appelle, pas autant qu’mon litte à maison
Hochelaga, comme ces chansons, est un joyeux désordre. Sur la rue Ontario, on croise des mendiants tous les 100 mètres. Les poubelles sont constamment renversées. Des carcasses de vieilles télévisions gisent un peu partout chaque lundi matin. En s’approchant de la rue Notre-Dame, les prostituées ne se gênent pas pour te proposer leurs services, et encore moins pour se droguer derrière un buisson de la piste cyclable, le dimanche matin. À certains endroits, on sent une odeur de mélange de levure et de fumée d’usine. Les vieux bars aux néons louches ne sont pas rares et on peut même y boire sa bouteille de 1 litre de Molson dès 10h du matin. Le dimanche soir, le spaghetti aux boulettes est proposé en rabais.
Mais, à côté de tout ça, il y a tant à découvrir : le marché Maisonneuve, les vieilles bâtisses historiques et imposantes, les restaurants apportez votre vin qui proposent des expériences gastronomiques incroyables, les meilleurs bars pour les 5 à 7, les boulangeries décadentes, les petites épiceries locales et chaleureuses, les petits cafés végétariens, les ruelles fleuries, le parc Maisonneuve, les beaux duplex rénovés et puis, surtout, du street art partout. De magnifiques fresques d’art qui naissent un peu partout, au gré de l’envie de ceux qui les créent.
Bref, Hochelaga est difficile à catégoriser et représente bien le melting pot qu’est Montréal. Une ville composée de toute sorte de profils, de goûts, de niveaux de vie et de cultures. On peut difficilement plus se sentir habitant de Montréal que lorsqu’on vit à Hochelaga. Et c’est un magnifique quartier pour créer. Cela bourdonne tellement qu’on peut difficilement ne pas en être inspiré. Ce curieux mélange stimule la créativité et donne envie de s’asseoir sur son balcon toute la journée pour observer les passants et leur inventer une vie. Une vie Hochelaguienne.
Il y a peu d’œuvres qui ont été rédigées en prenant comme toile de fond ce quartier. Mais vous pouvez trouver quelques suggestions de Benoit Bordeleau dont la thèse a porté sur les représentations du quartier Hochelaga dans la littérature.
Très sympa ta chronique et les visuels!
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Je ne prétend pas connaître Hochelaga, mais il me semble qu’il faut distinguer Maisonneuve de Hochelaga. Non pas pour valoriser un plus que l’autre, mais pour tenir compte de leurs différences, historiques et sociales, qui sautent aux yeux lorsqu’on s’y promène… tout comme d’ailleurs, cela saute aux yeux à lire la première et la deuxième partie de votre texte, qui décrivent si bien ces deux côtés d’une même médaille.
Les gens que je connais et qui ont passé leur enfance dans ces quartiers me décrivent d’ailleurs deux réalités semblables, mais différentes.
Tant qu’au Parc Maisonneuve, j’estime qu’il appartient tout autant à Rosemont qu’à Maisonneuve, tout comme le Jardin botanique. J’ai appris récemment que l’espace qu’occupait les anciennes « shops Angus » touchaient également la vie sociale et économique de Rosemont et de Hochelaga, et, par extension, au delà de la voie ferrée, aux quartiers du Plateau d’aujourd’hui, et de Sainte-Marie.
Une histoire fascinante, lorsqu’on y plonge, qui témoigne de l’évolution de la ville, de sa vie…
C’est vrai qu’on n’a pas pondu beaucoup d’œuvres sur ce quartier, ni sur l’ensemble du territoire de l’est, ce qui me semble significatif en soi.
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