Avant même d’annoncer leur projet de Fictions du Nord, La Peuplade montrait son parti pris pour des œuvres qui explorent l’imaginaire collectif nordique en publiant, entre autres, le second recueil de poésie de Sébastien Dulude ouvert l’hiver à l’hiver 2015. Son premier recueil chambres est paru chez Rodrigol en 2013.
Ouvert l’hiver comporte soixante poèmes, tous écrits en tercets de vers libres, qui racontent la relation amoureuse haletante entre une fille et un garçon au cours d’un hiver. « Obsessivement ficelés » dit la quatrième de couverture. C’est bien vrai. Les poèmes sont aussi délicats à la manière de flocons de neige qui tombent.
« L’histoire derrière ces poèmes, c’est celle d’un gars qui reçoit la visite d’une fille. Parfois, c’est lui qui va la voir et vice-versa. Les fenêtres restent ouvertes, mais il n’est pas trop certain de cette histoire. Ce sont surtout des poèmes très courts, des instants d’hiver. Je voulais qu’il se passe quelque chose de très chaleureux, mais que ce soit aussi très froid, un peu comme si tous les objets étaient faits de verre », explique Sébastien Dulude dans une entrevue avec L’Hebdo Journal.
Rappelant le mouvement des flocons de neige qui tombent, ou un banc de neige qui fond avec l’arrivée imminente du printemps, les poèmes descendent dans la page au fil du recueil. On commence en haut à gauche et lorsque le printemps étouffant se pointe le nez à la fin, on est rendu complètement en bas de la page. Ainsi, les petits poèmes laissent beaucoup de place au blanc de la page; obsession pour le blanc et l’hiver qui se retrouvent dans les mots du poème aussi bien entendu avec la « baignoire blanche » (p. 37), les pions blancs d’un jeu d’échecs, et toujours « la neige tombe / c’est l’hiver ordinaire /saison des ombres blanches » (p. 54). Obsession qui n’est pas sans rappeler l’obsession du blanc et de la neige de Bernard Noël par moments. Dulude écrit : « ma peau tombe en menus flocons du plafond » (p. 57) faisant écho à un petit passage troublant d’Extraits du corps « Ma / chair va neiger » (p. 35).
Porté vers le lieu (l’intérieur de la maison, le lit, etc.) et créant une atmosphère intime, privée, ouvert l’hiver investit habilement l’imaginaire collectif de l’hiver québécois. Le recueil offre « une série de petites pièces ciselées que Sébastien Dulude a voulu glaciales dans leur forme et chaudes dans leur langue » (4e de couverture). Et heureusement qu’elles sont chaudes dans leur langue, car l’hiver n’est pas toujours facile à surmonter. Cette année encore en a été la preuve pour moi. Mais avec ouvert l’hiver c’est un plaisir de s’y enfoncer en compagnie du poète et de sa compagne élusive.
« où tu dors ce soir / le sol y est-il assez dur / pour qu’on s’enfonce dans l’hiver » (p. 12).