All posts tagged: poésie contemporaine

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La fin du monde est à minuit

« Enfant il a volé une poupée à sa sœur par un tout petit trou dans le pied l’a vidée de sa mousse on l’a retrouvé dans la garde-robe inconsolable la bouche ouverte pleine de bourrure il essayait de se remplir. » (p. 45) J’ai découvert Mireille Gagné en octobre dernier, lors de la dernière édition de la Nuit de la poésie organisée par Québec en toutes lettres. C’était la première fois que j’assistais à l’événement et j’ai été étonnée par le nombre de spectateurs venus assister aux lectures – nombre qui dépassait sûrement la capacité sécuritaire de la salle, d’ailleurs! La poète gruoise (on n’a pas assez souvent l’occasion d’utiliser le gentilé de L’Isle-aux-Grues!) y a lu des extraits de son dernier recueil. Sa lecture a été mon coup de cœur de la soirée et, dès le lendemain, j’ai couru à la librairie me procurer son livre : Minuit moins deux avant la fin du monde. Tic, tac… Tic, tac… Le titre du recueil fait référence à l’horloge de la fin du monde, créée en …

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Chauffer le dehors: La réponse au dedans

« […] Le dehors est la seule réponse que j’ai trouvé au dedans. » Dire autrement les ruptures amoureuses. Voici le défi qu’a relevé Marie-Andrée Gill, autrice qui m’était inconnue jusqu’à présent. Icône de la poésie autochtone québécoise, elle a publié deux ouvrages avant de pondre celui-ci, sur l’impossibilité de l’amour. J’avais seulement entendu parler de Chauffer le dehors par le biais du Fil rouge, et le titre m’a tout de suite interpellée. Je me demandais bien ce que l’autrice voulait dire par « chauffer l’extérieur », parce qu’il n’y a rien de plus absurde que ça. Je voyais juste l’image de ma mère pensant à sa facture d’Hydro, qui me surprenait à ouvrir grand les fenêtres en plein mois de février pour « aérer un peu l’air » du salon qui sentait le calorifère. J’ai dévoré ce recueil en deux secondes, assise sur mon balcon, pendant que le soleil s’écrasait sur mes jeans noirs. Marie-Andrée Gill a fait resurgir des peines que je ne pensais plus voir. À chaque texte, je m’arrêtais pour laisser passer dans ma tête le film de …

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Découverte : La fin du monde est en osti (pis moi avec)

      La colère est un sentiment que je trouve légitime. Les milieux militants que je fréquente m’ont appris rapidement à ne pas tomber dans le « tone policing » – soit la police du ton. Les gens ont le droit d’être en beau fusil, et de ne pas se taire. Publié récemment aux éditions stopstopstop, La fin du monde est en osti de Saint-Claude est un hymne à cette colère, à ce désir de la revendiquer et de l’utiliser à bon escient. La colère serait, en ce sens, politique. Ici, elle se veut également poétique. « Le soleil est tombé Ramassez-lé tabarnak! »       On m’a offert ce recueil en cadeau – allô Ronan! – et je n’étais pas toute de suite prête à le lire. Je savais que ça allait me rentrer dedans. Je savais que ça allait rouvrir des plaies qui étaient encore sanguinolentes. Je l’ai gardé au fond de ma sacoche pendant près d’un mois sans l’ouvrir. Je le feuilletais parfois, mais sans jamais trop vouloir m’y plonger. …

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3 livres pour s’initier à la poésie… différemment!

Ces derniers temps, plusieurs de mes ami.e.s m’ont demandé conseil pour commencer à approfondir leurs connaissances en matière de poésie. Souvent, mes proches n’avaient que tâtonné ce style de littérature bien particulier lors de lectures imposées au secondaire ou au cégep, et trouvaient que ce qu’ils avaient déjà lu était… comment dire? Poussiéreux?

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Bec-de-lièvre d’Annie Lafleur, ou comment dévorer le poème

Les taons sifflent, le lièvre se fait dévorer par le chien, l’hirondelle écoute, l’âne obéit, la bête s’évanouit, le cheval s’observe et le pigeon cache le soleil. Bienvenue dans l’univers d’Annie Lafleur, un univers poétique peuplé d’animaux et dépeuplé d’humains, dans lequel les mots s’entrechoquent à une vitesse folle. Dans Bec-de-lièvre, tout un bestiaire se meut avec le sujet poétique, c’est le spectacle de « la marche des animaux en lisière du monde » (p. 31). « J’essore l’oiseau du ciel les digues éclatent en vieux sang je remonte dans l’arbre à l’écart des hommes souffle sur la vermine qui ronge ma veine je vole au soleil sa boue jaune » (p. 51). Quatrième recueil de la poète montréalaise, il a été finaliste au Prix des Libraires 2017, dans la catégorie Poésie. Divisé en trois parties composées de courts poèmes sans titre, préfacés par un plus long poème « On a quitté la région », le recueil de Lafleur, Bec-de-lièvre (Le Quartanier, 2016) suit la voracité du sujet poétique alors que cette dernière se promène en forêt, dévorant et rapiéçant tout …

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La poésie de Kate Tempest: recevoir le chaos en plein cœur

Entre slam et poésie, politique et poétique, Kate Tempest nous ébranle, nous émeut, nous secoue, nous bouleverse. Elle crée une tempête d’émotions, en bref (pardonnez-moi le mauvais jeu de mots). C’est ce que j’ai découvert lorsque j’ai assisté à son spectacle en avril dernier. Un moment grandiose, alors que la foule se délectait de ses paroles, en symbiose avec elle. Pourtant, je ne savais alors rien de cette artiste, une amie m’ayant simplement fortement recommandé d’assister au concert. Pourtant, alors que je n’avais aucune attente, j’ai été hautement stupéfaite de l’expérience musicale et poétique que j’ai vécue: la sincérité et l’intensité du spectacle Let Them Eat Chaos m’est parvenue directement dans les tripes; un coup de foudre, un vrai! Le spectacle, d’une très grande qualité, soit dit en passant, s’inscrivait dans la tournée de Tempest pour son dernier album Let Them Eat Chaos, qu’elle interprète d’un bout à l’autre, en reprenant à peine son souffle. Pas de rappel, pas de diversions : l’album complet, du début à la fin, comme une seule et même chanson. …

Coup de poing dans le réel : la poésie de Marjolaine Beauchamp

Vous la connaissez parce qu’elle a fait la première partie du show L’existoire de Richard Desjardins? Parce qu’elle a été championne québécoise du slam en 2009? Parce que vous l’avez déjà lue? En tout cas, Marjolaine Beauchamp, originaire de Buckingham en Outaouais, est à découvrir! Collaboratrice assez régulière au blogue Filles Missiles, Beauchamp a aussi un disque de slam disponible sur bandcamp si vous voulez entendre ses textes comme elle les lit. Une poésie abrasive : Aux plexus Aux plexus (2010, Éditions de l’Écrou), qui a été finaliste au prix Estuaire en 2011, offre des poèmes beaux et forts sur des gens ordinaires aux prises avec la misère humaine. Dans une langue joualisante, orale, proche d’une voix entendue lors de soirée de slam, Beauchamp fait exploser les préjugés dans ses poèmes narratifs. Aux plexus ne prend pas de détours pour traiter de sujets lourds comme le suicide, la pauvreté, le bien-être social, l’adultère et d’autres moins « lourds » sans être moins importants ou imposants comme l’amour, la maternité et la famille. Dans une entrevue dans …

De migrations et d’origines : Outardes de Catherine Côté

L’Abitibi, c’est les mines, la forêt à perte de vue, les camps de chasse perdus dans le bois; c’est Val-D’Or et Rouyn-Noranda; c’est une terre colonisée sur le tard, lors de la crise économique des années 1930; c’est des petits lacs où se saucer l’été pour se sauver des mouches à perte de vue; c’est un hiver interminable avec le lourd silence qui l’accompagne, un « silence [qui] pren[d] toute la place » (p. 38). L’Abitibi, c’est Richard Desjardins et Raoûl Duguay. L’Abitibi, c’est aussi le sujet du premier recueil de Catherine Côté, Outardes, dernier titre parut à la collection poésie des Éditions du passage. Poésie des origines, Outardes raconte l’Abitibi où Côté n’a jamais habité; l’Abitibi qu’elle a explorée à la recherche des traces de ses ancêtres. Montréalaise, Côté a ses racines familiales en Abitibi. Avec son recueil, elle explore l’impossibilité en même temps que la nécessité de prendre racine dans un passé et un territoire inconnu. L’étau se resserre D’emblée, le sujet poétique est situé géographiquement : les vers « je suis fille de fleuve / …

S’enfoncer dans l’hiver avec Sébastien Dulude

Avant même d’annoncer leur projet de Fictions du Nord, La Peuplade montrait son parti pris pour des œuvres qui explorent l’imaginaire collectif nordique en publiant, entre autres, le second recueil de poésie de Sébastien Dulude ouvert l’hiver à l’hiver 2015. Son premier recueil chambres est paru chez Rodrigol en 2013. Ouvert l’hiver comporte soixante poèmes, tous écrits en tercets de vers libres, qui racontent la relation amoureuse haletante entre une fille et un garçon au cours d’un hiver. « Obsessivement ficelés » dit la quatrième de couverture. C’est bien vrai. Les poèmes sont aussi délicats à la manière de flocons de neige qui tombent. « L’histoire derrière ces poèmes, c’est celle d’un gars qui reçoit la visite d’une fille. Parfois, c’est lui qui va la voir et vice-versa. Les fenêtres restent ouvertes, mais il n’est pas trop certain de cette histoire. Ce sont surtout des poèmes très courts, des instants d’hiver. Je voulais qu’il se passe quelque chose de très chaleureux, mais que ce soit aussi très froid, un peu comme si tous les objets étaient faits de verre », …