Curieuse d’en connaître un peu plus sur l’univers créatif de Rachel Monnier, je lui ai posé une série de questions, à laquelle elle a répondu. Découvrez la richesse du monde qui habite l’artiste qui nous a offert les illustrations des romans Le plongeur de Stéphane Larue, Taqawan d’Éric Plamondon et, plus récemment, La bête creuse de Christophe Bernard, tous parus chez Le Quartanier.
Quels sont les sujets ou les thèmes qui vous interpellent le plus?
Les thèmes qui font réfléchir, ou rire. Ceux qui touchent l’inconscient, que ce soit de l’enfant ou de l’adulte. J’aime beaucoup donner un caractère plurivoque à mes illustrations. Jouer avec des symboliques sous-jacentes et des détails qui ne sont pas perceptibles par tous, dans l’immédiat.
Comment le paysage influence-t-il votre travail?
Le paysage que je perçois de mes yeux influence beaucoup mon travail. Mais c’est l’âme du paysage qui l’influence davantage. Que ce soit dans une pièce sombre dans un environnement urbain, au cœur d’une forêt, ou encore dans le métro, entourée de gens qui s’affairent à s’affairer… Chaque situation, ambiance ou moment me transmet une énergie qui modèlera à sa façon la manière dont j’exécuterai mon travail.
Vous travaillez sur quoi présentement?
En ce moment, je travaille sur l’élaboration d’un projet à Percé que j’ai intitulé Raoul & Simone. Un atelier de sérigraphie auquel sera annexée une boutique où j’offrirai mes œuvres ainsi que les produits dérivés de celles-ci. Cette boutique offrira aussi les objets d’artisans et d’artistes canadiens pour qui l’éthique est une priorité. J’espère ainsi créer, tout en stimulant l’économie de manière responsable.
Comment s’est déroulé le travail autour de l’illustration de La bête creuse de Christophe Bernard?
Illustration créée sous la direction artistique d’Éric de Larochellière, un éditeur hors pair au souci du détail infaillible et au sens esthétique exceptionnel, La bête creuse fut un laborieux travail étendu sur plusieurs mois, consistant à réaliser la couverture d’un roman dont le récit se déroulait sur plusieurs décennies. Une rigoureuse recherche de références visuelles s’est donc imposée afin d’arriver, le plus fidèlement possible, à l’interprétation des caractères et des éléments qui composent l’environnement gaspésien dans lequel évolue l’histoire. Ayant la chance d’habiter à Percé, certaines recherches se sont déroulées en forêt, à observer le mouvement des arbres au vent… Ces moments sont des raisons pour lesquelles je m’attache à mon travail.
Avez-vous lu le roman en entier avant de vous mettre au travail de l’illustration?
Non! Fort heureusement. La bête creuse est un roman de 700 pages fabuleusement écrites par un auteur qui déplace les lettres au bistouri. Je n’aurais jamais voulu lire celui-ci avant qu’il ne soit achevé complètement! J’ai par contre eu la chance de lire certaines parties avant son édition puisqu’il était nécessaire de comprendre le fond de l’histoire et de saisir plusieurs détails essentiels à l’illustration.
Nouvellement installée à Percé, en Gaspésie, est-ce que vous percevez un changement dans votre travail, par rapport aux autres lieux où vous avez habité?
Oui. J’ai beaucoup voyagé avant d’aboutir à Percé. C’est ici, pour la première fois, que je me sens si près de moi-même. Et je crois que mon travail évoluera grandement dans ce sens.
Avez-vous un rituel de création?
Je suis une grande anxieuse de nature. Ce qui me conduit, à chaque fois que je crée, dans des périodes de profondes incertitudes et d’angoisse qui, d’un moment à l’autre, disparaissent pour laisser place à une confiance et une motivation inébranlable. Il m’arrive donc de me blottir dans mon lit pendant des heures sans trouver le courage de réaliser quoi que ce soit. Je me relève ensuite d’inspiration – oui parce que je me suis d’abord gavée d’images intimidantes qui me rappellent que, tiens donc, c’est pas si facile que ça faire des dessins… – et c’est reparti. Souvent, l’inspiration qui m’est le plus bénéfique est celle qui apparaît au moment où je réussis à me détacher des autres et à entrer en connexion avec ce qui m’entoure et ce que je ressens au fond de moi. C’est de là, je crois, qu’émanent la force et le plaisir que j’ai à illustrer. Il ne s’agit donc pas d’un rituel à proprement dit, mais je pourrais quand même affirmer, que peu importe le style d’illustration que je fais, une constante demeure. Celle d’une instabilité créatrice que je réussis à dompter à chaque fois, malgré tout.
Quels sont vos illustrateurs fétiches?
-Edward Gorey pour l’immensité de son œuvre, son intelligence et son sens de l’humour irrévérencieux… particulièrement dans le livre Les enfants fichus, que j’adore.
-Anselm Kiefer, un artiste plasticien contemporain allemand, maître de la matière, collectionneur de nature pour l’immensité des ses œuvres, littéralement cette fois.
9- Êtes-vous une grande lectrice? Si vous aviez trois titres à nous partager qui vous ont particulièrement marqué dans votre vie, lesquels serait-ce?
Je ne suis pas une grande lectrice, mais certains livres ont laissé des empreintes dans ma vie, oui.
-Das Kapital de Karl Marx
-Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés
-Faits divers de la Terre et du Ciel de Silvina Ocampo
Quelle est l’illustration d’un livre, tous genres confondus, qui vous a le plus marqué dans votre vie jusqu’ici?
-Pour en connaître davantage sur le travail de Rachel Monnier, rendez-vous sur : http://www.rachelmonnier.com/
-Article de Marie-Laurence Boulet sur le roman Le plongeur : https://chezlefilrouge.co/2017/02/02/la-singularite-de-loppression/
*Photo de couverture fournie par l’artiste.