Littérature québécoise
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Reste encore un peu : se reconstruire malgré la douleur

Quand j’ai reçu le roman, j’étais curieuse de découvrir l’écriture de Perrine Madern. Après la lecture de la quatrième de couverture, j’ai commencé à douter à savoir si cette lecture était vraiment faite pour moi, à cet instant de ma vie. J’ai lu beaucoup de romans d’amour mélancolique dans ma vie. Je m’y reconnaissais et leur contenu était quasiment thérapeutique. En vieillissant, je me suis graduellement éloignée de cela. Malgré mes appréhensions, l’histoire a réussi à me captiver. Je n’ai pas moins aimé le roman parce que je ne m’y reconnaissais pas en ce moment. Je crois que j’ai plutôt lu le tout d’un autre œil, avec de l’empathie et une sagesse nouvelle, et je me suis sentie fière de mon cheminement et reconnaissante de ma vie d’aujourd’hui.

L’histoire de Loue

À la suite d’une rupture douloureuse, Loue s’éteint peu à peu, jusqu’au jour où elle se réveille dans une ambulance. À l’hôpital, le médecin constate que son IMC est très inquiétant et craint pour la vie de la jeune femme. Loue est transférée en psychiatrie afin de travailler sur elle-même, entre autres par l’écriture, jusqu’à ce que son poids se stabilise. À sa sortie, elle peut toujours compter sur l’amour et le soutien de son frère Loïc et de son ami Mathieu. Elle se rapproche de son ami, mais le retour de l’homme qu’elle aime brouille les cartes. Elle porte aussi un lourd secret qu’elle ne veut pas extérioriser, un événement marquant de sa vie que le lecteur ne connaîtra qu’à la fin du roman.

L’autrice signe un roman douloureux sur le besoin de contrôle, sur la maladie mentale, l’amour, l’amitié et la résilience.

Amours et maladie mentale

Au début, j’étais tentée de détester ce Will qui l’a détruite, et peu à peu, avec méfiance, j’ai osé lui faire confiance (un peu). Parce que j’avais beau vouloir crier à Loue de le rayer de sa vie, le beau Will m’a séduite, et j’ai réalisé qu’il était une cible facile à qui jeter les pierres du problème qui est en fait beaucoup plus complexe que le rejet qu’il lui a fait vivre. J’ai éprouvé de la pitié et un élan de tendresse pour Mathieu, l’ami amoureux, le bon gars. Je ne savais plus quoi en penser. En plus de cette intrigue, je dirais que l’autrice a su garder mon intérêt vif jusqu’à la toute fin, lorsqu’elle dévoile enfin l’énorme poids sous lequel Loue s’écrase tous les jours.

Le thème de la maladie mentale m’intéresse particulièrement et j’ai aimé la façon dont le sujet des troubles alimentaires a été traité dans ce roman. Le personnage principal ne devient pas sa maladie, n’est pas effacé par celle-ci. Il n’y a pas de descriptions sensationnalistes à propos de son poids, seulement le besoin de contrôle et la douleur qui en découle.

Je lui avais donné mon corps. Ses mains l’ont parcouru si souvent. Maintenant, il a mon esprit. Il occupe chacune de mes pensées. Je ne peux lui enlever. Je lui ai alors volé ce qu’il aimait tant. Ce qu’il a si ardemment désiré. Mon corps. Dérobé. Je prenais le contrôle sur ce qui lui appartenait, sur ce que je pouvais encore gérer. Je reprenais le contrôle sur mon corps. Je lui ai enlevé et je l’ai détruit. Dorénavant, je ne serai plus l’objet du désir de personne. Mon corps tel qu’il l’a connu n’est plus.

Je m’effacerai à défaut de ne pas pouvoir l’effacer, lui.

Une plume familière

Pour ce qui est du style d’écriture, le texte est narré à la première personne du singulier, avec une voix familière. Le texte est aussi ponctué de plusieurs chapitres beaucoup plus courts que les autres, ce qui donne du souffle à la lecture. Le texte est accentué de phrases courtes et tranchantes :

Peu importe avec qui. La première venue? Why not?

Pathétique.

Et des phrases sont répétées en d’autres mots, ce qui augmente l’effet de leur portée.

T’es venu me tuer. Tu m’as achevée comme j’te l’avais demandé.

T’imaginer avec elle me fait vomir. Dégueuler. Vomir de la bile. T’sais le vomi qui fait mal.

Ça fait deux mois aujourd’hui. Deux mois que tu m’as laissée. Un mois qu’on ne s’est pas parlés. Un mois que je n’ai aucune nouvelle de toi.

Chacun des titres de chapitre représente le titre d’une chanson et il est difficile de résister à la tentation de faire des liens entre la chanson choisie et le contenu du texte qui lui succède. Curieuse, j’ai demandé à l’autrice comment elle avait procédé :

En fait, j’ai écrit le livre en premier, en ne mettant aucun titre nulle part et à la toute fin, j’ai cherché les chansons à mettre en guise de titre de chapitre. Pour certaines, la plupart, c’était des chansons que j’adore et que j’écoute tout le temps, des chansons tristes qui m’inspirent, qui sont en lien avec certains moments ou souvenirs de ma vie, en lien avec certaines personnes. Des chansons qui reflètent bien l’état d’esprit dans lequel j’étais pendant que j’écrivais mon roman. J’essayais toujours de faire « fiter » la chanson avec le contenu du chapitre. Ça a été un travail vraiment long. J’ai fait des recherches et j’ai demandé de l’aide à des amis musiciens pour certains chapitres. Je voulais vraiment que la thématique de la chanson corresponde au contenu du chapitre. 

Une romancière à découvrir

Voilà un roman mélancolique, introspectif et empreint de vives émotions qui vous fera découvrir la plume de Perrine Madern, une nouvelle figure de la littérature québécoise. De plus, on retrouve le slogan du Fil rouge au sein de la description de la maison d’édition; vendeur, non? 😉 :

Découvrir de nouveaux auteurs, publier des livres qui font du bien, mettre de l’avant des textes qui portent une voix originale et produire des livres de qualité, voilà le mandat que se donne la maison d’édition.

Quelles nouvelles plumes québécoises avez-vous découvertes récemment?

Le fil rouge remercie les Éditions au Carré pour le service de presse.

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Kim se contente de peu mais de beaucoup de livres. Elle se passionne pour les mots; les laids autant que les beaux. La lecture est son activité favorite depuis qu’elle a lu Martine à la foire. Bien qu’elle aime diversifier ses lectures, elle a un penchant pour les romans québécois et les romans qui parlent de gens qui lisent des romans. Elle aime aussi les arts visuels, les visites au musée, le café, le chocolat, son gecko nommé Toytoy en l’honneur d’un panda et sa tortue nommée Vicky en l’honneur d’une Vicky. Grande anxieuse aimant relever des défis en surpassant la peur d’avoir peur, elle aspire à une vie sereine. En plus d’être collaboratrice chez Le fil rouge, elle travaille en tant qu’éducatrice spécialisée dans une garderie, animatrice dans un centre de loisirs et tutrice en alphabétisation au Y des femmes de Montréal. Entre ses engagements et ses lectures, on peut la croiser au gym, dans un cours de bodypump, focussant sur la position de ses genoux. On la décrit comme une fille rêveuse, empathique et créative.

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