Il y a des moments pendant lesquels je dévore des livres sans compter. Je les enfile les uns à la suite des autres; je lis en déjeunant, en attendant que le souper cuise et en me couchant. Je plonge toute entière dans la fiction et je ne fais que compter les heures avant de pouvoir replonger dans ma lecture.
Quand je suis obnubilée à ce point, c’est souvent car je suis tombée sur des coups de cœur; des bouquins qui me tiennent en haleine et qui me donnent envie de me couper du réel pour entrer complètement dans leur univers romancé.
C’est alors terrible d’arriver à la dernière page. J’en voudrais plus. Je ne supporte pas que ça soit fini.
La douleur d’arriver à la dernière page d’un roman
Des fois, je lis un livre si incroyable et si vrai. La frustration ressentie à l’idée que le livre se finisse est alors trop intense.
Je ne me résous pas à faire confiance à un autre romancier, tellement j’ai peur de me faire abandonner encore en voyant le mot Fin. Comme lorsqu’on souffre d’une peine d’amour si grande qu’on est incapable d’accepter de retomber amoureux. Chaque nouvelle relation semble nous demander trop d’engagements pour que ça vaille le coup.
Fin 2017, j’ai lu plusieurs livres qui m’ont considérablement marquée : Le plongeur de Stéphane Larue, Le vertige d’Étienne Cardin-Trudeau, Autour d’elle de Sophie Bienvenu et la série de L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante.
Beaucoup de livres coup de poing en un court laps de temps. Des livres qui font tellement réfléchir. Des livres qui marquent.
De grands amours comme on n’en vit pas souvent.
Et avec le mois de février a démarré une période de vide pour moi. Je suis tombée dans un creux.
Rien ne me tentait. Rien ne m’accrochait. Je prenais des livres à la bibliothèque, et je les rendais non commencés ou à peine entamés. J’ai même dû payer un retard de 1,75$ tellement je trainais la patte.
Nouveau système : aborder le deuil et l’abandon en quelques pages
Finalement, je suis tombée sur un tout petit bouquin : Nouveau système de Daniel Leblanc-Poirier. 104 pages. Je me suis dit : «Bon, lui il ne risque pas de me faire souffrir; il sera une bonne relation de rebond. Un peu de plaisir bref et sans trop de risques.»
Je l’ai lu en deux soirées devant le feu de foyer. Ça ne sera pas un coup de cœur à me faire chavirer, mais ça a été un bon moment à vivre.
Un jeune toxicomane apprend que son ex-petite amie, Kikou, va mourir d’un cancer des poumons. En phase terminale, elle séjourne à l’hôpital et il lui rend visite tous les jours. Ainsi, commence ce petit livre qui aborde la thématique du deuil en surface, mais avec plein de douceur et poésie.
Le roman remonte alors en arrière pour nous expliquer comment les deux se sont rencontrés et à quoi ressemblait leur histoire d’amour chaotique. On assiste à de petits fragments de leur quotidien d’amoureux, drogués et coupés du reste du monde.
On a accès à toutes les émotions excessives du narrateur; sa violence intérieure, sa douleur et son incompréhension du monde.
Il y a de petites phrases magnifiques :
« On ne parlait pas, on faisait juste laisser couler le silence en versant du café. »
C’est bref, mais beau. Triste, mais intriguant. Du quotidien cru simple et réaliste.
Ce n’est pas un roman exceptionnel; il manque un peu de profondeur, peut-être quelques pages de plus auraient été nécessaires pour le devenir. Cependant, c’était exactement ce dont j’avais besoin à ce moment de ma vie.
Et vous, vivez-vous parfois des périodes plus creuses de lecture?