Littérature québécoise
Comments 5

L’univers d’Emily Dickinson : un monde fait de villes de papier

le fil rouge, le fil rouge lit, bibliothérapie, littérature, lecture, livres, les livres qui font du bien, les villes de papier, Dominique Fortier, éditions alto, littérature québécoise, Emily Dickinson, poésie, poète américaine,

Les villes de papier n’est pas un livre ordinaire. Il s’agit d’une œuvre unique arrivée à la fin de l’été tel un vent de fraîcheur salutaire. Dominique Fortier, autrice et traductrice québécoise, nous offre ici une fenêtre unique sur l’univers de la poète américaine Emily Dickinson.

Tomber sous le charme

Lorsque j’ai vu passer l’annonce de la parution du livre Les villes de papier, j’ai été accrochée par la page couverture arborant des fleurs séchées identifiées avec minutie. Moi qui plaçais régulièrement, étant enfant, des violettes à sécher entre les pages des dictionnaires, ce rituel attira mon attention. Un extrait de l’œuvre, les premières lignes en réalité, nous était offert au-dessus de l’image.

« Emily est une ville toute de bois blanc nichée au milieu de prairies de trèfle et d’avoine. Les maisons carrées y ont des toits en pente, des volets bleus qu’on ferme à l’approche du soir et des cheminées par lesquelles il arrive que s’engouffre un oiseau qui volera, éperdu, les ailes pleines de suie, par toutes les chambres. Plutôt que de tenter de le chasser, on l’adoptera pour apprendre son chant. » p.9

J’étais subjuguée par la beauté de ces mots et j’avais soif de découvrir la suite. Je ne savais même pas de quoi parlait le livre, mais je sentais que ça me plairait énormément. Et j’ai vu juste.

Le monde d’Emily

C’est avec une plume délicate empreinte de fantaisie que Dominique Fortier raconte l’histoire d’Emily Dickinson, femme de lettres ayant vécu dans la petite ville d’Amherst au Massachusetts au milieu du 19e siècle. On suit Emily – dès sa plus tendre enfance – qui discute avec les oiseaux ou qui se passionne pour la flore qui compose le jardin familial. On l’accompagne durant son année au séminaire, où elle n’a aucun espoir d’accueillir le Seigneur dans sa vie et dans son cœur. On découvre les différentes plantes qui seront mises à sécher dans l’encyclopédie Britannica. Puis, on entre dans le monde solitaire de la jeune adulte qu’Emily est devenue, sa répulsion envers l’amour, son étrange relation avec la maison familiale qu’elle ne quittera plus à partir de l’âge de 25 ans.

« En rentrant […] elle songe que, de tous les membres de sa famille, celui qu’elle préfère, c’est peut-être bien la maison. » p.23

Mais on découvre surtout ce qui a forgé son univers et ce qui l’a poussée à composer des poèmes sur de minuscules bouts de papiers glanés à des sacs de farine, de chocolat ou de poivre, au gré de l’inspiration. On se laisse bercer et entraîner par la douce poésie du quotidien d’Emily. On veut à tout prix feuilleter l’herbier que la poète a réalisé durant son adolescence et qui est précieusement gardé à la Houghton Library de l’Université d’Harvard (il est d’ailleurs possible d’en admirer la version numérique juste ici).

La ville de papier d’Emily

Le judicieux choix du titre, Les villes de papier, représente parfaitement l’univers d’Emily. Une ville de papier est en fait une ville fictive ajoutée, à l’époque, sur un plan par ses artisans afin de déceler d’éventuels fraudeurs désirant recopier leur travail. Ainsi, si la ville de papier apparaissait sur d’autres plans, la preuve de plagiat était évidente. Après avoir appris cela de son frère, la jeune Emily, questionnée par ses camarades de séminaire à savoir ce qu’elle fera quand elle sera grande, aurait déclaré : «Je vivrai à Linden». Il s’agissait en fait une ville de papier.

Rendre hommage à la poésie d’Emily

Comment ne pas tomber sous le charme de cette poésie que l’autrice a saupoudrée un peu partout sur son œuvre? Dominique Fortier réussit à merveille à la faire transparaître à travers son récit. On sent vraiment sa volonté de célébrer la beauté des mots d’Emily Dickinson. Il y a certes une part inventée dans le récit qu’elle nous offre, mais Dominique Fortier relève avec brio le défi d’entrelacer ce qui est vrai et ce qui est le fruit de son imagination.

« Le monde est noir et la chambre est blanche. Ce sont les poèmes qui l’éclairent. » p.136

La relecture du livre est d’autant plus agréable pour en déceler de nouvelles subtilités. On apprécie aussi que l’autrice ait parsemé le récit d’anecdotes de sa propre expérience, reliée à la trame de la vie d’Emily, comme leur rapport respectif au temps, à la notion de maison (home), à la solitude, etc.

En résumé, c’est un livre doux-amer qu’on veut garder près de soi et en lire un chapitre au hasard quand l’envie nous prend.

Et vous, est-ce que la vie de personnages qui ont fait l’Histoire pique votre curiosité?

5 Comments

  1. Ping : Une ficelle qui relie tous les livres | Le fil rouge

  2. Ping : Les coups de coeur littéraires des fileuses en 2018 | Le fil rouge

  3. Ping : L’absente ou l’omniprésente | Le fil rouge

  4. Ping : Carnet de voyage: Pérégrinations et retrouvailles au pays des patates | Le fil rouge

  5. Christelle says

    Oh, comme vous me donnez envie de le lire !!! Je vois qu’il sera publié chez Grasset en septembre 2020 …. vivement !

    J’aime

Laisser un commentaire

Entrer les renseignements ci-dessous ou cliquer sur une icône pour ouvrir une session :

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s