Camille Laurens (Laurence Ruel de son vrai nom) est une écrivaine française qui a signé plusieurs oeuvres intimistes avec des thèmes qui me parlent ; passion, amour, intimité. Elle est aussi membre du jury du prestigieux prix Femina. Dans plusieurs de ses oeuvres, elle touche à l’autofiction et s’amuse à jouer avec le réel, la vérité et la fiction. Son oeuvre Philipe où elle raconte le décès de son petit garçon en est un bon exemple.
J’avais eu la chance de la découvrir, il y a de ça quelques années avec son roman Dans ces bras-là et j’avais bien aimé. C’est en lisant un petit billet (dont j’oublie la provenance!) sur son dernier roman que j’ai eu envie de me le procurer. On y faisait l’éloge tout en remarquant les thèmes actuels du roman ; identité virtuelle, relation amoureuse, paradoxes de la beauté, etc. Ça ne m’en prenait pas davantage pour que j’aille envie de me plonger dans sa dernière oeuvre.
Avec Celle que vous croyez, Camille Laurens offre une oeuvre des plus modernes dans une ère où les relations interpersonnelles côtoient autant, sinon plus, le virtuel que le réel. Ce récit féministe dénonce sans le vouloir nécessairement des inégalités criantes envers les femmes, et ce plus précisément au niveau des apparences et de la sexualité.
Tout débute avec le personnage de Claire, la narratrice principale, cette femme de 48 ans, divorcée qui se trouve à se créer un faux compte Facebook pour surveiller son amant. C’est tout de fois avec Christ, l’ami de son amant, qu’elle développe une relation en se créant une toute nouvelle identité où elle est 12 douze ans plus jeune que Christ. Or, la vérité, c’est l’inverse.
Il s’installe entre eux une amitié, voire de l’amour, mais surtout du côté de Claire, un sentiment d’être dans une route sans fin. Elle ne pourra jamais rencontrer l’homme avec qui elle passe tous ses temps libres ; elle est trop vieille. Et c’est révoltant. J’ai trouvé odieux le fait que vieillir pour une femme signifiait la fin de sa beauté, de sa liberté, de sa sexualité. Dans Celle que vous croyez, il y a bien entendu une critique de ces standards de beauté, pourtant juste féminins, et une prise de position pour démontrer l’absurdité du constat. À l’image des paradoxes que nommait Nelly Arcan dans ses oeuvres, il y a dans l’écriture de Camille Laurens un puissant jeu d’écriture qui frôle ces problématiques. Le paradoxe de la beauté féminine et surtout, la dictature du regard des hommes envers les femmes. (À lire pour continuer la réflexion : Reflets dans un oeil d’homme de Nancy Huston ou Beauté fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine de Mona Chollet).
Le roman débute dans un prologue sans ponctuation, dans une écriture envoutante à la Nelly Arcan et cela continue dans les pages qui suivent. La narration se divise entre plusieurs personnages au fil du récit et cela ajoute de la complexité pour le lecteur à réellement déceler le vrai de l’histoire. Louise se retrouvera à l’hôpital où elle discutera avec un intervenant de son histoire avec Christ. Entremêlée entre ces discussions, l’écriture de l’histoire et la narration de Louise, Celle que vous croyez est avant tout l’histoire d’une femme devenue malade d’amour pour un homme qui honnêtement, ne le mérite tout simplement pas.
Vers le milieu du bouquin, un réel suspense survient, à l’image de Une histoire vraie de Delphine de Vigan, on se sent complètement coincé dans le jeu d’écriture, à se demander qui dit vrai, à essayer de comprendre la réalité et surtout, on continue à se faire brouiller les pistes.
En tournant la dernière page, je n’ai même pas été surprise de voir une dédicace à Nelly Arcan. Ça allait de soi. J’y avais pensé à deux-trois reprises en lisant le livre : autant pour la forme d’écriture que pour le message véhiculé.