All posts tagged: travail

Le profil du papillon lune (partie 1), par Kim Renaud-Venne

Elle frottait depuis vingt minutes, si bien qu’elle s’arracha le bout de l’ongle en poussant un cri rageur. C’était l’index, le travailleur. On pouvait bien lui détruire les mains si c’était pour lui laisser la pensée libre ne serait-ce que pour quelques heures, voire quelques minutes. Elle prit les grands moyens et sortit l’éponge en laine d’acier. Antiadhésive, mon œil. Robyne se râpa le creux des mains, ravivant à regret son eczéma. Un couteau, il fallait un couteau avec des dents, le genre d’ustensile qui s’enfonçait immanquablement dans une de ses phalanges lorsqu’elle coupait du pain le matin, la tête encore engourdie par le sommeil. Entre deux soupirs exagérés, Robyne alimenta une fois de plus ses réflexions sur le non-sens de son existence. Déloger la crasse, racler la cendre. Ses yeux commencèrent à se troubler quand elle se mit à frictionner vigoureusement, en invitant tout le poids de son torse, pour qu’enfin la souillure diabolique renonce. Pulvériser ce qui reste de solide afin que l’étincelant remplace la saleté. « Demain, ce sera à refaire », …

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La spirale de l’emploi qui paie bien

Subordonnée d’Isabelle Gaumont, c’est un roman qui raconte l’histoire de Simone Beaubien, une Montréalaise bien ordinaire. Ce dernier mot fait pourtant toute la différence. En effet, cette jeune femme dans la vingtaine expérimente une vie ordinaire. Elle occupe un emploi ordinaire, a une relation amoureuse ordinaire et répète une routine hebdomadaire des plus ordinaires. Dans toute cette banalité, elle n’est pas heureuse, car tous les aspects de sa vie sont bien médiocres. Quand les choses clochent Simone est une femme vaillante. Elle travaille à un rythme effréné, et surtout constant, en plus de cumuler les heures supplémentaires, afin d’être une employée modèle et de rapporter le plus d’argent possible à la compagnie pour laquelle elle travaille. Pourtant, personne ne lui reconnaît le moindre mérite. L’immeuble de bureaux où elle travaille est un lieu hostile où la compétition entre les employés et l’obsession des patrons pour les rendements rendent l’atmosphère très difficile à vivre. Les choses ne s’améliorent pas lorsqu’elle est à la maison. Les rares moments où elle peut prendre un peu de répit, elle les …

« Assommez-moi quelqu’un » ou la chronique d’une fille (un peu trop) occupée

« Assommez-moi quelqu’un », c’est ce que je me disais hier soir, alors que je me suis retrouvée couchée à 8 h 30 dans mon lit à cause d’un mal de tête d’enfer, et qu’à ce moment-là, mon cerveau n’arrivait même pas à se relaxer trois secondes parce que je pensais à trop d’affaires. Pendant trois heures, je me suis tournée et retournée dans mon lit sans pouvoir avoir la paix. Et s’il n’y avait eu que ça! Le problème, c’est que ce n’était pas la première fois que ça m’arrivait dans un temps rapproché, et surtout, le problème, c’est qu’il y avait un méchant problème quelque part, dans ma vie, et que c’est hier, la tête dans mon oreiller à me lamenter de douleur pendant des heures, que je me suis avouée vaincue. Après une gigantesque semaine à travailler tous les jours et à faire des millions d’affaires tous les soirs, je venais de passer une journée de samedi de congé à faire la dernière correction pour un texte dont je m’occupais de la …

Chroniques d’une anxieuse : Bonyeu donne-moé une job

J’me suis réveillée, un matin gris-frette d’hiver, avec la toune Bonyeu des Colocs dans tête. Ça allait pas pantoute. J’avais l’impression de perdre le contrôle et, pourtant, c’tait pas si pire que ça dans l’fond, c’tait juste que j’avais peur. Beaucoup. J’arrivais pas à entrevoir ce que l’avenir me réservait. C’tait comme un gros trou noir, le néant, et je perdais pied. Le grand vertige. Le sol se dérobait sous moi. Faut dire qu’une semaine de gris-frette d’hiver, c’tait pas facile, pour personne. Ça rendait fou un peu pis très maussade aussi. J’avais besoin de soleil, de chaleur, de vagues bleues et de palmiers (et une coupe de tequila bang bang tant qu’à y être). À place j’avais de la slush brune collée après les bottes. Je la regardais et je me sentais comme elle. Dégueulasse, inutile et gossante. La toune des Colocs résonnait dans mes tympans. J’ai commencé à la chanter de toutes mes forces. À tue-tête. Un peu trop fort, comme si c’était mon dernier espoir, mon dernier souffle. Je voulais crier en même …

Quand tu deviens une adulte trop vite

Je n’ai jamais été de ceux qui ont eu tout cru dans le bec. Je n’ai pas de parents riches. Je ne suis pas enfant unique. Il y a dix ans, on aurait pu me regarder en pensant que je n’irais pas très loin dans la vie. Heureusement, j’ai de l’ambition. Lorsqu’il m’arrive de dire que je suis la première universitaire de ma famille, j’ai droit à diverses réactions. Les gens sont étonnés, admiratifs et/ou outrés. C’est qu’à 17 ans, j’ai quitté le cocon familial pour voler de mes propres ailes. J’en connais très peu des comme-moi et pour ceux et celles qui en font partie, je vous lève mon chapeau. Combien de fois m’a-t-on dit: Tous les jeunes que je connais qui ont quitté la maison aussi rapidement reviennent inévitablement chez leurs parents la queue entre les jambes? Il y a sept ans, je me suis promise que ce ne serait pas mon cas. À 24 ans, je suis donc totalement indépendante et fière d’être la seule responsable de ma réussite. Durant toutes ces années, …