Ce joli petit bouquin m’a attirée dès la seconde où je l’ai aperçu : la couleur et le titre me parlaient. Après, j’ai constaté que c’était publié chez les éditions Cheval d’août, qui m’avaient charmée avec le superbe Chercher Sam. (J’en ai parlé ici) Et l’opération séduction a continué : j’ai ouvert le livre et j’ai lu une citation de Woolf. Il n’en fallait pas davantage pour que je l’achète.
Les filles bleues de l’été raconte une histoire d’amitié fusionnelle entre deux amies, Clara et Chloé. Amies depuis l’enfance, elles tenteront d’échapper au monde le temps d’un été. Chacune reste troublée et brisée par la vraie vie. Clara, complètement esseulée d’un amour perdu et qui lui a enlevé le goût de tout, sauf de lui. Et Chloé, malade de son petit corps frêle incapable d’être bien. Le roman traite de plusieurs sujets lourds, de boulimie, de dépression, de mutilation, mais surtout d’amitié.
Ces amies essaieront de s’évader des tourments de la vie quotidienne en retournant au chalet où elles passaient leur enfance. Elles passeront des journées à sentir l’odeur de la forêt, à s’étendre dans le gazon et à se baigner dans le lac. L’instant d’un été, elles seront bien. Ensemble, elles parviennent à se libérer de leurs fardeaux et de leurs douleurs. Elles resteront marquées d’une liberté ultime, et ce, l’espace d’un été. Toutefois, la souffrance des deux amies est tellement grande et si puissante, que jamais rien ne pourra guérir ce si profond mal être. Sauf peut-être le fait d’être ensemble… Le retour à la vie normale, l’après été, ne sera pas de tout repos.
Toi c’est moi
Cette complicité, voire fusion, entre les filles est troublante. J’oserais même dire malsaine. Elles se complètent et s’unissent parfaitement: le besoin de l’autre étant gigantesque. Leurs traumas et leurs douleurs font d’elles des étrangères, aux yeux des autres. Incapables de sortir de cette torpeur, elles feront face à leur incapacité d’être simplement bien. La seule manière de retrouver cette plénitude sera de retourner au chalet…
L’écriture de Mikella Nicol est si pure, retenue et poétique qu’elle nous emporte avec elle, dans l’odeur de la forêt et dans la tristesse des filles. La narration se chevauche entre Chloé et Clara, parfois à se confondre, mais surtout pour nous rappeler qu’au fond une c’est l’autre. J’ai été agréablement surprise de ma lecture. Comme il s’agit du premier livre de l’auteure, je m’attendais inconsciemment a des maladresses dans l’écriture, mais non. Mikella écrit de manière poétiquement simple et franche. Et j’ai réussi à m’attacher à Chloé et à Clara, ces deux personnages tant brisées en miette. On aurait envie de changer le dénouement du livre et de chercher à les guérir, mais on se laisse vaguer à la musicalité et à la poésie de l’écriture :
« Ces nuits où je multipliais ma force pour qu’il m’aime vraiment, malgré ma peau triste. Il avait pris mes larmes avec la langue pour les glisser dans ma bouche. Entre les draps, on avait pu se dire qu’on serait deux, maintenant. Les jours tous pareils, on les pousserait avec notre peau. Puis il est parti. J’avais raté mon coup, sans même savoir comment. Je lui avais donné mes envies de vivre. Je les avais gueulées à sa face, mais il les avaient effacées avec son silence noir. » (p.96-97)
« Nous avons été celles portées par la colère et la tristesse, et l’impossibilité de dire, le trou à la place du courage, le sommeil sur les urgences. Nous sommes celles qui écrivent des prières pour les phases de la lune. Peut-être qu’un jour on repensera à nous avec des belles paroles, mais on se rappellera aussi comment la noirceur ne parvenait jamais tout à fait à sortir de sous notre peau, même dans les moments de bonheur. » (P.114)
Écrit sous forme de petits chapitres, le livre se lit doucement et facilement. On reste marqué par cette lecture, non seulement par le propos qui nous touche et nous émeut, mais par la beauté des images suscitées. On a envie d’aller au chalet nous aussi, de se coucher dans l’herbe et d’oublier la pression de la ville et d’être une étrangère, le temps d’un été.
C’est la proximité de ces jeunes femmes, voire leur symbiose, qui est hypnotisante, surtout lors de la première partie du récit. Clara et Chloé, d’une façon différente, se fondent avec la nature ou, encore, la rejettent, … chose certaine, ces denières ne sont pas indifférentes envers leur environnement. Elles entretiennent, à la fois, une relation créatrice et destructrice avec l’univers qui les entoure.
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