L’hibiscus pourpre, tout dernier roman de l’auteure nigériane Chimamanda Gnozi Adichie est aussi la première fiction de l’auteure qui se retrouve entre mes mains. Après avoir lu – et adoré- Nous sommes tous des féministes et Chère Ijeawele, il était plus que temps de me plonger dans l’un de ses romans. J’aurais tout aussi bien pu me plonger dans Américanah ou Autour de ton cou, mais c’est par L’hibiscus pourpre que j’ai choisi de découvrir la prose de l’auteure.
Un lent début
Campé dans un Nigéria post coup d’État, Adichie s’immisce dans le quotidien de Kambili, jeune adolescente nigériane vivant dans une famille aisée dont le père, propriétaire d’usines, est un catholique fondamentaliste hautement placé et très respecté dans leur communauté.
Les premières pages, disons les 60 premières, m’ont laissée plus ou moins de glace. Pourtant, c’est dans ces premières pages que s’installe le drame, mais tout s’installe tellement doucement, si lentement qu’il faut patienter quelque temps avant de comprendre toutes les subtilités et tous les non-dits dans lesquels se déroule l’histoire.
Par contre, du moment où l’histoire se déploie, il n’y a plus de retour en arrière. Nous devenons observateurs d’une dynamique familiale dysfonctionnelle ou Kambili se retrouve prise entre amour et admiration pour un père qui s’offre à Dieu, qui donne sans compter, mais qui, dans l’intimité, utilise la religion comme un prétexte pour sa rigidité, sa violence et son autorité. On découvre une jeune fille prise entre le constant désir d’être la meilleure pour plaire à son père, pour plaire à Dieu, et entre les souffrances physiques et psychologiques infligées si elle ne respecte pas le code de conduite strict.
La petite révolution
Tout change lorsque Kambili et Jaja, son frère aîné, passent quelque temps chez leur tante, avec leurs cousins et cousines qu’ils ne connaissent presque pas. Ils y découvrent une maison pleine de rires, de voix qui s’élèvent et débattent. Kambili, sérieuse, n’ose jamais lever le ton, ose à peine répondre aux gens qui lui parlent et ne comprend pas comment une famille et un climat peuvent être aussi différents de celui dans lequel elle a toujours vécu.
Les changements intérieurs semblent encore plus grands lorsque Kambili fait la rencontre du Père Amadi, prêtre missionnaire un peu hors-norme, pour lequel elle développe quelque chose de fort et d’inavoué. Elle semble s’ouvrir tranquillement au monde, mais, bien entendu, rien n’est aussi simple. L’auteure ne propose pas une simple histoire d’émancipation.
C’est à travers les réflexions de Kambili sur le monde qui l’entoure qu’on découvre son monde, sa douleur et qu’on réalise, avec elle, à quel point son environnement familial n’est pas sain, à quel point elle est brimée et ne s’en rend pas vraiment compte, croyant véritablement aux enseignements religieux de son père.
Une force tranquille
C’est avec force que Chimamanda réussi à construire un récit où la violence est parfois clairement mise en mots, parfois à demi-mots seulement, mais pas moins poignante pour autant. Les personnages sont multidimensionnels et complexes. À travers eux, on voit comment la religion peut être un rempart autant qu’une excuse, comment le fait de donner aux autres, sans compter, n’excuse pas les violences. Elle réussi à construire un récit d’ambivalence ayant finalement, comme personnage principal, Dieu.
Avez-vous lu l’un des romans de Chimamanda Gnozi Adichie? Quel est votre favori? Par lequel devrais-je poursuivre pour découvrir l’univers de l’auteure?
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