À moins d’avoir passé l’hiver dans une grotte à la manière d’un ours qui hiberne, ou dans un village reculé sans électricité ni internet, vous avez très certainement entendu parler de l’immense « buzz » entourant la sortie au cinéma de la dernière adaptation de Disney, La Belle et la Bête. Mettant en scène Emma Watson, l’héroïne féminine de la saga Harry Potter, le film, un « remake » en prises de vue réelles du film d’animation de Disney réalisé en 1991, a maintenu un réel suspense pendant plusieurs mois, nous faisant attendre (bien trop!) impatiemment sa sortie.
Donc, la nouvelle adaptation d’un de mes contes préférés m’a amenée au cinéma, un dimanche après-midi, avec ma sœur. Considérant mon intérêt académique envers les contes et surtout pour les réécritures et les détournements – j’y consacre, en effet, l’entièreté de mon mémoire – plusieurs de mes amis, de ceux qui m’appelaient déjà « princesse » depuis quelque temps, ont suggéré, visiblement soucieux de me déculpabiliser, que j’y allais [et je les cite] « probablement pour un simple motif scolaire ». C’est cependant sans honte que j’avoue que, au contraire, ce qui m’amenait à cette représentation cinématographique du conte de mon enfance était tout sauf intellectuel, et que j’étais d’abord portée par un grand enthousiasme provenant sûrement de mes souvenirs de jeunesse. Cependant, je l’avoue aussi, il faut croire qu’on se départit difficilement de son œil de chercheuse, même un dimanche après-midi au cinéma Colossus de la ville de banlieue dans laquelle on a grandi.
Cet après-midi au cinéma m’a amenée à réfléchir sur la popularité du conte à notre époque. Sans être surprise, j’étais quand même étonnée, voire quelque peu bouche bée, de l’intérêt renouvelé pour La Belle et la Bête. Au-delà de la machine hollywoodienne et des stratégies de publicité, je n’aurais jamais cru qu’un conte, que pourtant nous connaissions tous par cœur, continuerait de provoquer autant d’enthousiasme. Je découvrais de nouveau cette force du conte, qui est celle de se faire raconter encore, et encore, et encore. En même temps, j’étais étonnée à la fois de la volonté de toujours repenser le conte, de l’adapter de nouveau, cette tendance qui touche entre autres Disney depuis quelques années, tout comme son caractère inchangé, presque « immortel » depuis des siècles. L’immortalité va nécessairement à l’encontre de notions telles que la « mode », suggérée comme plutôt passagère et éphémère. Pourtant, le conte est, aujourd’hui, visiblement « à la mode » et le demeure, plus que jamais.
À la suite du visionnement du film, que j’ai trouvé excellent, beau, romantique, magique, et à l’image de mes souvenirs de jeunesse, j’ai eu envie de replonger dans les contes qui ont inspiré l’adaptation (oui oui, il y en a plusieurs!) et, du même coup, de rassembler quelques suggestions pour les gens qui, comme moi, auraient envie de se replonger dans quelques contes durant la période estivale.
Les « classiques »
J’aime beaucoup replonger dans les œuvres dites originales des contes que j’ai ensuite découverts par le biais d’adaptations ou de films. Je précise « dites originales » comme je dis « classique » avec des guillemets, car bien sûr, les contes sont une littérature intemporelle et immémorielle qui prend racine dans les sociétés traditionnelles orales, et bien souvent, les versions écrites que nous en avons, par Grimm ou Perrault, par exemple, ne sont que des adaptations. Par exemple, dans un ouvrage qu’elle a publié en 2007, Nicole Belmont recense près de cinquante versions orales de Cendrillon provenant d’un peu partout dans le monde! Et croyez-moi, peu d’entre elles ont vraiment rapport avec celle de Perrault. Mais les versions de Disney ayant pris toute la place dans les médias de notre enfance, peu d’entre nous connaissent vraiment les contes « classiques ». Et c’est si chouette de les (re)découvrir!
Quelques suggestions :
– La belle et la Bête et autres contes (Madame Leprince de Beaumont) et La Belle et la Bête (Madame de Villeneuve)
Une première version plus courte (Leprince de Beaumont) et une autre plus longue (Villeneuve), on y retrouve avec plaisir les personnages de La Belle et de la Bête tels que nous les connaissons, mais avec des motifs et des éléments narratifs que Disney a mis de côté (La Belle aurait des sœurs frigides et manipulatrices, son père aurait été ruiné, etc.). Ces contes sont enchanteurs et surtout très riches.
– Les contes de Perrault
Connaissez-vous la véritable fin du conte de La Belle au bois dormant? Avec la mère ogresse qui tente de manger les enfants de la Belle? Non, le conte ne se termine pas par un mariage!
Les princesses ne sont que de jeunes filles passives, selon vous? Allez voir de quelle façon Cendrillon laisse tomber sa chaussure, non pas de manière hasardeuse, mais en toute connaissance de cause, pour que le prince la ramasse et réponde à la séduction!
– Les contes de Grimm
Si la volonté de Perrault était davantage d’adapter les contes pour le public de la cour que d’une transmission d’un patrimoine (il les transformait volontiers, coupait des bouts qu’il considérait comme amoraux, etc.), les frères Grimm, eux, tentaient de mettre à l’écrit des versions le plus proche de celles qu’ils avaient entendues en parcourant l’Allemagne. Leurs contes, moins moraux, sont variés et parfois bien plus intenses! (Vous vous souvenez des sœurs de Cendrillon qui se coupent talons et orteils pour faire rentrer leur pied dans la chaussure?)
– Les contes d’Andersen
Connaissez-vous les vraies versions de La Reine des neiges, du Vilain petit canard, de La petite fille aux allumettes? Ou bien, pensez-vous encore que dans La petite sirène, Ariel se marie avec le prince? Il est temps de vous faire porter par les contes d’Andersen, dont plusieurs ont été adaptés au cinéma.
– Nicole Belmont, Sous la cendre. Figures de Cendrillon
Vous êtes curieux de ce dont pouvait avoir l’air Cendrillon en Chine, en Afrique ou dans quelques régions du Québec? Ces versions orales sont belles et déstabilisantes, en plus de nous confirmer que la jeune fille a plusieurs visages et histoires, dépendant de son origine!
Les « modernes ». Au Québec :
– Trois princesses (Guillaume Corbeil)
Ces contes cruels dont j’ai déjà parlé dans un article sont d’excellentes critiques sombres et quelque peu perturbantes des contes de Cendrillon, La Belle au bois dormant et Blanche-Neige que nous connaissons. On y fait d’ailleurs de fortes critiques du culte de la beauté et du corps des femmes.
– Là où la mer commence (Dominique Demers)
Je ne crois pas qu’il y ait de version plus belle et romantique de La Belle et la Bête que cette version québécoise mettant en scène la fougueuse Maybel. Si vous ne l’avez pas déjà lu, je vous le conseille fortement. J’en parle d’ailleurs plus longuement ici.
– Contes de Fées. Des mondes désenchantés (revue de la nouvelle XYZ)
J’ai fait cette découverte en me promenant à la librairie. La revue XYZ, qui publie chaque saison des nouvelles sous un thème particulier, a dédié son numéro du printemps 2017 à des réécritures de contes. Ça se lit bien, c’est court, et on découvre plein de nouveaux auteurs. Parfait pour les vacances!
– Javotte (Simon Boulerice)
Une adaptation de Cendrillon moderne et racontée du point de vue d’une des sœurs, ça vous tente? Les fileuses vous disent ce qu’elles ont pensé de ce livre dans cet article.
– Les sangs (Audrée Wilhelmy)
Récemment adapté au théâtre par l’École supérieure de théâtre de l’UQAM (j’ai eu la chance d’y assister), Les sangs est librement inspiré de Barbe-Bleue, dans un style à la fois poétique et déjanté. Gabrielle en parle ici.
– Les contes de la chatte rouge et Histoire de la Princesse et du dragon (Elizabeth Vonarburg)
Avec son talent de conteuse, l’auteure Elizabeth Vonarburg nous emporte dans ses mondes inventés, de fantasy racontés à la manière de contes étranges, mais rafraîchissants. Les contes de la chatte rouge demeurent à ce jour un de mes livres préférés en littérature jeunesse et j’en parle ici.
Quelques suggestions en littérature étrangère :
– Tout conte fée de Bandini et Camou, et la série pour ados Les chroniques lunaires de Marissa Meyer. (J’en parle ici!)
– La série de bandes dessinées Fables, dans laquelle les héros ou héroïnes des contes de fées vivent désormais au cœur des humains normaux, mais tentent de rester cachés. Divorcée de son prince, Cendrillon est désormais une espionne, Blanche-Neige est à la tête du gouvernement. Décidément, cette bande dessinée revisite le conte de manière très originale.
– Ils vécurent heureux, eurent beaucoup d’enfants et puis… de Michaël Cunningham
Peut-être êtes-vous curieux de savoir ce qui se passe après le fameux mariage qui termine les contes sur une promesse de bonheur éternel? Cynisme et humour sont au rendez-vous!
Voilà! Amateurs de contes, « classiques » ou contemporains, vous êtes servis! Quelle sera votre prochaine lecture?
un bel univers et une belle découverte. au plaisir de revenir flâner sur vos pages. N’hésitez pas à visiter mon blog (lien sur mon pseudo)
J’aimeJ’aime
Bravo Marion, tu m’impressionne à chaque fois.
Beau travail.
J’aimeJ’aime