Month: août 2016

Douze chansons pour Évelyne

Je hurle non seulement pour elle mais pour toutes les filles que j’ai connues et perdues, toutes les âmes instables que j’ai voulu mêler à la mienne. Je hurle, car je ne sais pas comment exister sans elles. Avant d’écrire pour le Fil rouge, je ne lisais pas beaucoup de livres d’auteurs québécois. Ayant complété mes études en Lettres en France, je n’ai pas eu la chance de découvrir la littérature d’ici pendant mes études et je ne savais pas par où commencer. Mais le Fil rouge m’a permis de découvrir de jeunes auteurs québécois qui dépeignent une réalité beaucoup plus proche de la mienne que celle des livres que j’avais l’habitude de choisir. Je suis une grande adepte du dépaysement à travers les livres, comme je l’ai souvent expliqué dans d’autres chroniques, mais je connais aussi un grand plaisir à lire un roman qui semble me parler directement et mettre en mots des instants, des contextes ou des lieux qui sont les miens. J’ai d’abord acheté Douze chansons pour Évelyne de Frederic Gary Comeau …

Mémoire de fille : réécrire le passé

Annie Ernaux, je l’aime d’amour. Lorsque j’ai appris qu’elle lançait un nouveau roman cette année, je voulais bien entendu le lire, mais je tenais aussi à le conserver pour le parfait moment. J’avais hâte, mais surtout je voulais en profiter. C’est donc pas plus tard qu’en juillet que j’ai décidé de me lancer dans Mémoire de fille. Dans ce texte, elle tente de raconter l’été ’58 où elle a travaillé dans une colonie de vacances, l’été de sa première relation sexuelle et la façon dont la jeune fille en elle a vécu cet épisode qui est devenu un moment des plus marquants dans sa vie. Ce que j’aime le plus de l’oeuvre d’Ernaux, c’est l’universalité dans les thèmes les plus intimes. Elle réussit à parler de choses qui arrivent tous les jours comme l’amour, l’avortement, le premier rapport sexuel, mais avec tellement de justesse qu’elle en fait presque une représentation sociologique d’une société marquée dans le temps. Dans Mémoire de fille, on est avant la révolution de mai ’68 et on y découvre toute la …

S’initier au zéro déchet

On entend de plus en plus parler du mouvement zéro déchet, mais peu de gens s’imaginent vivre selon les règles de ce mode de vie. C’est plutôt un truc de hippie qu’on se dit, je vis en ville/en campagne, c’est trop compliqué. Et si elles n’existaient pas, ces « règles »? Si c’était en fait bien facile, mais qu’on n’osait pas s’y intéresser par peur d’être marginaux? Je vous invite à en connaître un peu plus sur ce mode de vie pas-trop-hippie et je vous conseille même des lectures pour vous convaincre que c’est bien moins compliqué que vous le croyez, le tout en un seul article! C’est assez simple ça, non? Premièrement, pourquoi? Questionnement légitime, on est en droit de se demander pourquoi il nous serait favorable de changer nos habitudes de vie, qui perdurent depuis des générations. Eh bien… justement parce qu’elles ne datent pas de bien longtemps et en à peine quelques décennies, nous avons accéléré le processus de dépérissement de la planète et fait évoluer le réchauffement climatique beaucoup plus rapidement. …

Calme : 1001 manières de ralentir

Calme, ce livre bleu azur, est une petite bible interactive proposant activités, réflexions et méditation sur l’art de ralentir. Calme est en fait le projet de Michael Acton Smith et Alex Tew,  les deux britanniques fondateurs de l’application portant le même nom. L’application, tout comme le livre, se veut être un accompagnateur dans le parcours méditatif de chacun, un outil pour nous aider à relaxer et en apprendre plus sur la méditation en pleine conscience. À mon avis, le focus de ce livre n’est pas vraiment la méditation pleine conscience et c’est bien ainsi. Il y a déjà une panoplie de bons livres à ce sujet. Calme, c’est plutôt un guide visuel qui nous aide à prendre notre temps, à contempler, à réfléchir, à ralentir. Séparé en différents chapitres représentant différentes sphères de nos vie (l’amitié, la nourriture, le voyage, etc.), on y retrouve conseils, idées détente, méditation et espaces contemplatifs à remplir. Le simple fait de feuilleter ce livre, visuellement magnifique, procure lui-même un sentiment de détente. Le graphisme de ce livre en est …

Histoire d’O : Un roman graphique érotique qui ne laisse pas indifférent.

Si vous suivez quelques-uns de mes billets, vous savez sans doute que j’aime beaucoup la bande dessinée et les arts graphiques. J’apprécie beaucoup le rapport entre l’image et le lecteur. Je trouve que de cette façon, l’identification est parfois plus accessible. Bien que la majorité des BD que je consomme possèdent un ton humoristique, certaines d’entre elles se veulent beaucoup plus matures. C’est le cas d’Histoire d’O, le roman graphique – et pornographique – de Guido Crepax, publié en 1975 (!) aux éditions Delcourt. Histoire d’O est en fait une adaptation du très célèbre roman érotique du même titre, écrit par l’auteure Pauline Réage, qui narre le récit d’une femme appelée O : elle est complètement soumise aux sentiments qu’elle entretient envers René et Sir Stephen, ses amants. Elle se donne corps et âme – mais surtout corps – à ses relations amoureuses/sexuelles. O est emmenée par René à un château situé à Roissy (en France), où elle apprendra de son plein gré à être une soumise parfaitement docile, une complète esclave sexuelle. Il est évident …

Écrire l’indicible : Je suis une femme adultère

Je suis une femme adultère. J’ai commis un geste qu’on qualifie d’affreux, d’ignoble, d’égoïste. J’ai été jugée, sur le banc des accusées d’infidélité. Encore heureuse qu’on soit en 2016 et que je n’aie pas été brûlée. Certes, je l’ai été autrement. Par les non-dits, par les « delete friend » sur Facebook, par la peur de mettre les pieds dans certains endroits. J’ai eu si mal, j’ai eu tellement de peine que j’ai quand même eu l’impression de brûler, à petit feu. J’ai été exténuée, à bout de souffle de repasser tout ça dans ma tête, à me culpabiliser, très fort, à me justifier. J’ai voulu partir bien loin, rejoindre les femmes infidèles d’autres temps. On dit que la société actuelle valorise les relations ouvertes, les fréquentations, le polyamour, name it. C’est faux. On juge les personnes qui font des erreurs. On juge les femmes qui font des faux pas, qui ne restent pas dans la case qui leur est assignée. J’étais dans une bonne relation, stable, en cohabitation, pis toute. Mais j’étais mal. Je ne voulais …

Fugues quotidiennes : le pouvoir des nouvelles d’Alice Munro –

Alice Munro révèle le miraculeux dans l’ordinaire. Souvent décrite comme la Chekhov de notre époque, Munro est maître de son art : la nouvelle. Elle relate surtout des vies de femmes. Elle raconte nos voisines, nos sœurs, nos mères, nos amies; bref, elle raconte les gens qu’on connaît. On se reconnaît et on reconnaît les nôtres, les humains, dans ses nouvelles. En effet, elle est une auteure d’un talent indéniable. Trois fois lauréate du prix du Gouverneur général du Canada, Munro a accumulé plusieurs autres prix dont, ça vaut quand même la peine de le mentionner, le très prestigieux Prix Nobel pour la littérature en 2013! Seule canadienne à avoir remporté ce titre. Et une de trop peu de femmes. Je suis grande fan d’Alice Munro! J’ai suivi un cours à son sujet et ça m’a permis de goûter à plusieurs de ses recueils. Pour cet article, je vais faire l’éloge de Fugitives, son onzième recueil de nouvelles qui lui a valu le prix Giller à sa parution, car je le trouve particulièrement savoureux, mais je vous …

Mes bédés de l’été

Lorsque l’été fait son apparition, j’aime bien me plonger dans des lectures plus légères par moments. La bédé est pour moi, une lecture parfaite d’été, généralement vite finie, elle semble un bon choix à amener au parc lors d’un après-midi au soleil, activité à laquelle je me suis adonnée plusieurs fois cet été, et que j’espère reproduire avant que la belle saison ne s’achève. Voici donc quatre bédés que j’ai savourées, couchée dans le gazon. Club Sandwich de Zviane Club Sandwich, c’est la dernière parution de Zviane. Dans cette bédé, nous retrouvons cinq histoires biscornues et amusantes, comme elle les décrit. Les histoires ont toutes été écrites dans le cadre des « 24 heures de la bande dessinée d’Angoulême », qui consiste à écrire une histoire de 24 planches en 24 heures, donc une planche par heure en moyenne, sans dormir, manger et boire tout en dessinant. La bédé regroupe donc cinq petites histoires sur une durée de cinq ans de création. Ce que j’ai trouvé particulièrement intéressant, c’est de voir à quel point le style graphique …

L’Épistolaire

Épistolaire : adj. Qui a rapport à la correspondance par lettres.  Quand j’étais ado, je me disais qu’il n’y avait rien de plus romantique que de tomber amoureux de quelqu’un pour ses mots. Je rêvais de recevoir des lettres impromptues, des messages qu’on n’attendait plus. Parce que je lisais tout ce qui me tombait sous la main et que j’avais un fort penchant pour les histoires d’amour, je me prenais à rêver de poésie et de déclaration enflammée. Quand j’étais ado, je rêvais d’être Elizabeth Benneth pis que M. Darcy débarque chez nous avec une lettre de dix kilomètres de long pour me dire qu’il m’aimait. Je rêvais de message à attendre, d’enveloppe à décacheter. Je rêvais de croiser sur une feuille de papier qui m’était destinée des mots qui étaient plus beaux que tous ceux qu’on retrouve dans les livres. Je rêvais de ça, jusqu’à tant que je le vive. Lui pis moi, on s’était bâti l’épistolaire à grands coups de mois passés à s’attendre. Fallait ben qu’on le fasse pour pas se laisser tomber …

Tisser des toiles d’araignée

Une berceuse en chiffons, la vie tissée de Louise Bourgeois est un objet des plus précieux. Comme à leur habitude, La pastèque ont su offrir un livre d’une qualité incroyable et en faire un de ces objets qu’on ne veut jamais ranger tellement il est beau à admirer. Racontant l’enfance et le début de la vie d’artiste de Louise Bourgeois, Amy Noveski, qui a écrit le texte original, et l’incroyable illustratrice Isabelle Arsenault ont su faire de cet album un délice autant pour les yeux que pour la poésie qui s’y glisse. Il y a une très grande douceur dans ce livre, un hymne à la relation maternelle qui unissait Louise à sa mère. Cette femme qui l’a intégrée dans le monde du tissage et pour qui Louise avait tellement de respect et d’amour. Elle en a d’ailleurs fait une muse en créant des araignées géantes qu’elle nomma Maman. Réparatrice de choses brisées,  Sa mère avait quelque chose de l’araignée. Si on abime sa toile, l’araignée ne s’énerve pas Elle la tisse et la répare …